Irrité par la diffusion sur Internet d'enregistrements audios le mettant en cause dans des affaires de corruption, le Premier ministre turc a menacé de fermer les sites Facebook et YouTube.
"Nous sommes résolus à ne pas laisser le peuple turc être esclave de YouTube et Facebook." Cette menace, prononcée dans un entretien diffusé jeudi 6 mars sur la chaîne de télévision ATV, émane du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. "Nous prendrons les mesures nécessaires, quelles qu'elles soient", a-t-il insisté, "y compris la fermeture", qui pourrait intervenir après les élections municipales du 30 mars.
Si l’homme fort de la Turquie en veut autant à ces deux célèbres sites de partage de contenus, c’est parce des enregistrements de conversations téléphoniques piratées du chef du gouvernement, dans lesquelles il ordonne notamment à son fils Bilal de dissimuler de fortes sommes d'argent ou évoque une commission jugée insuffisante versée par un groupe industriel, y sont diffusés depuis deux semaines. Facebook et YouTube n'ont pas réagi dans l'immédiat.
Dans le dernier enregistrement audio, mis en ligne jeudi sur YouTube, une voix présentée comme celle du Premier ministre fustigeait le propriétaire d'un journal par téléphone à propos d'un article, suggérant que les journalistes seraient renvoyés. L'authenticité de cet enregistrement n'a pas pu être établie.
Une interdiction est hors de question, selon Gül
Depuis la mi-décembre, Recep Tayyip Erdogan est éclaboussé par
un scandale de corruption, qui a vu des dizaines de ses proches inculpés pour une série de malversations. Or, depuis quelques semaines, il est directement mis en cause par la diffusion d'une série d'écoutes téléphoniques.
Sa sortie contre les réseaux sociaux intervient quelques semaines après le vote par le Parlement, où il dispose de la majorité absolue,
d'une loi controversée, qui renforce le contrôle d'Internet. Ce texte a été dénoncé comme "liberticide" en Turquie, comme dans plusieurs capitales étrangères, notamment à Washington.
Toutefois, le président turc Abdullah Gül a écarté la menace émise par le Premier ministre, issu comme lui du parti islamiste AKP. "YouTube et Facebook sont des plateformes reconnues dans le monde entier, une interdiction est hors de question", a-t-il déclaré, vendredi 7 mars, devant la presse. Il a toutefois ajouté qu'en vertu de lois récemment adoptées par la Turquie, le pouvoir était en droit d'interdire l'accès à ce type de site en cas d'atteinte à la vie privée.
Ankara avait déjà interdit l'accès à YouTube pendant près de deux ans jusqu'en 2010, après que des utilisateurs ont posté des vidéos jugées insultantes pour le fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk.
Avec AFP et Reuters