
James Wasserstrom, ex-fonctionnaire américain de l'ONU, s'est attiré les foudres de son ancien employeur en dénonçant des fraudes généralisées au sein de l’agence internationale. Le président Obama lui a apporté son soutien.
Aux États-Unis, les "lanceurs d’alertes", ces personnes adeptes de révélations de documents secrets compromettants, jouissent désormais d’une protection. Du moins, ceux qui agissent au sein des Nations unies.
En janvier, le président Barack Obama a validé un projet de loi autorisant le département d’État américain à retirer jusqu’à 15 % des allocations à toute agence de l’ONU refusant d’adopter un comportement respectueux vis-à-vis de ces personnes, qui révèlent au public des documents hautement secrets. Une victoire de longue haleine pour James Wasserstrom, un ex-fonctionnaire de l’ONU au Kosovo, à l’origine de révélations fracassantes sur une affaire de corruption.
"Les Nations unies sont très sensibles aux éventuelles répercussions financières, je pense donc que cette loi fait son petit effet au plus haut niveau", s’est réjoui celui qui a soumis le projet au Congrès américain. James Wasserstrom a été victime, dès 2007, d’intimidations après avoir révélé que de hauts membres de l’ONU au Kosovo, ainsi que des officiels du pays, avaient bénéficié de 500 millions de dollars en pots-de-vin.
"Calvaire"
Entre 2002 et 2007, l’homme par qui le scandale est arrivé occupe un poste au sein du bureau de contrôle des entreprises d’utilité publique au Kosovo. Sa mission entre dans le cadre de l’Unmik (United Nations Interim Administration Mission in Kosovo), un volet anti-corruption de l’organisation onusienne. C'est là qu'il met la main sur des informations indépendantes et concordantes de corruption au sommet du gouvernement kosovar, impliquant le chef de la mission Unmik, Joachim Rücker, son adjoint, Stephen Cook, et le responsable des affaires légales, Alexander Borg-Olivier.
Après ces révélations, les Nations unies réagissent aussitôt : le lanceur d'alerte est poursuivi pour mauvaise conduite, puis arrêté par la police de l’ONU. "Ils m’ont bloqué l’accès aux bâtiments de l’ONU, ont placardé des affiches avec ma photo dans tous les locaux et transformé mon bureau en scène de crime. Puis, ils ont affirmé dans les médias que j’étais un fonctionnaire corrompu", a expliqué l’intéressé. En gros, "ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour me détruire professionnellement".
James Wasserstrom dépose alors plainte. En 2012, le tribunal du contentieux administratif des Nations unies lui donne raison, estimant que le traitement subi est "dégradant et humiliant". Après cinq années de "calvaire", James Wasserstrom reçoit ainsi une compensation financière : 65 000 dollars, au lieu des 3,2 millions initialement réclamés. Une maigre consolation pour celui qui dénonce les agissements de l’agence à l’éthique a priori irréprochable. "Il n’y a aucune conséquence pour les auteurs de représailles, alors qu’il y a d’énormes risques pour les lanceurs d’alerte. Alors où est l’incitation à se manifester pour nettoyer toute corruption ou désordre que vous mettez en lumière ?", s'interroge-t-il.
Exercer une pression sur les gouvernements
Dans l’absolu, il existe bel et bien un Bureau d’éthique de l’ONU, censé agir dans le cadre du programme "Protection contre les représailles". Dans les faits, pourtant, son action se fait peu sentir. En juin 2013, sur 343 demandes émanant de lanceurs d’alerte, seulement 1 % a été considéré comme de véritables situations de représailles.
Désormais, James Wasserstrom, qui travaille pour l’ambassade des États-Unis à Kaboul, entend répandre sa victoire législative au-delà des frontières des États-Unis "Je ne m’attends pas à ce que tout le monde adopte immédiatement cette loi, mais peut-être que dans le futur, cela permettra de changer ce qu’il se passe à l’intérieur de l’ONU". Selon ce dernier, l’Allemagne, le Royaume Uni et les pays nordiques ont déjà réagi positivement à son initiative, contrairement à la France.
Par ailleurs, cette bataille visant à protéger ces fauteurs de troubles pourrait aussi être menée hors des limites de l’ONU, au vu des retentissants cas d’Edward Snowden, ancien employé de la NSA, réfugié en Russie, et du soldat américain Chelsea, ex-Bradley Manning, condamné à 35 ans de prison pour avoir transmis des câbles diplomatiques à Wikileaks. De quoi rendre paradoxale la prise de position d'Obama, dont l'administration est farouchement opposée aux agissements de Snowden et Manning, qualifiés de traîtres.