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Sotchi : le hockey sur glace, l'obsession de Vladimir Poutine

Le tournoi olympique de hockey masculin débute mercredi à Sotchi. Sous la pression du président russe, Vladimir Poutine, qui en a fait une affaire personnelle et une question d'honneur, l'équipe nationale n'a pas d'autre choix que de remporter l'or.

En janvier dernier, à un mois du début des Jeux olympiques, Vladimir Poutine était apparu sur l’une des patinoires de Sotchi en tenue de hockeyeur. Casque sur la tête et maillot sur le dos, le président russe avait participé, au côté de son homologue biélorusse, Alexandre Loukachenko, à une rencontre amicale face à d’anciens champions de cette discipline. Dans une ambiance bon enfant, l’équipe des deux chefs d’État avait, sans surprise, remporté ce match.

Depuis son premier mandat en 2000, Vladimir Poutine aime se montrer en sportif accompli. Que ce soit sur un tatami de judo, dans une formule 1, sur une piste de ski ou même sur un terrain de badminton, il est passé maître dans l’art de la mise en scène. Mais dans son panthéon sportif, le hockey tient une place à part entière. En patinant lui-même sur la glace de Sotchi, le président russe a clairement fait comprendre à l’équipe nationale que la défaite n’était pas une option. Alors que le tournoi olympique débute mercredi 12 février à Sotchi, l’or est l’unique objectif. "Cela est injuste pour les autres athlètes, mais si la Russie remporte la compétition de hockey et aucune autre médaille, ces Jeux Olympiques seront quand même un succès", a ainsi résumé l’ancien joueur russe Igor Larionov, deux fois champion olympique (1984 et 1988) dans le magazine "Sports Illustrated". Pour le responsable des patinoires olympiques de Sotchi, Vladimir Cherkasov, c’est même l’honneur du pays qui est en jeu. "Les autres équipes vont venir ici pour gagner ou perdre. Nous, nous allons gagner ou mourir", a-t-il expliqué au site américain ESPN.

Les JO de Poutine

Dans un pays où le hockey est le sport national, le président russe, qui a désiré et façonné ces JO à son image, ne peut pas se permettre d’être ridiculisé. Alors que tous les médias du monde entier ont les yeux braqués sur Sotchi, il a un message à faire passer. "Il y a eu comme un retour d’une sensation de guerre froide avec tout ce qui est associé à Sotchi. Avec les Jeux, Vladimir Poutine veut montrer que la Russie est une nation moderne et puissante et le sport, tout particulièrement le hockey, en est l’une des expressions", estime le journaliste américain Michael Farber de "Sports Illustrated". Le "tsar" veut aussi laver l’affront des Jeux de Vancouver. Il y a quatre ans, les Russes s’étaient inclinés en quarts de finale (7-3) face aux Canadiens, les futurs champions olympiques. Leur dernière médaille d’or remonte aux JO d’Albertville en 1992 où l’équipe unifiée de l’ex-URSS était montée sur la plus haute marche du podium.

Les Soviétiques ont pourtant dominés pendant près de quarante ans la planète hockey. Des années 50 aux années 90, l’équipe d’URSS ou "la machine rouge", comme elle était surnommée à l’époque, a remporté 725 victoires et 27 médailles d’or pour 900 matchs joués. En pleine guerre froide, les rencontres entre Occidentaux et Soviétiques étaient toujours une bonne occasion de raviver le sentiment patriotique. En 1980, la rivalité sportive entre l’URSS et les États-Unis culmina sur la glace en demi-finales des Jeux de Lake Placid. Contre tous les pronostics, la sélection américaine emporta finalement la rencontre (4-3). Ce match, considéré par la Fédération internationale de hockey sur glace comme l’événement numéro un de son histoire, a été baptisé le "miracle sur glace".

La pression de tout un peuple

Depuis cette défaite cinglante, les Russes ont vu leur suprématie s’affaiblir d’année en année. L’équipe nationale a dû se contenter récemment de l’argent aux Jeux de Nagano en 1998 et du bronze à ceux de Salt Lake City en 2002. Dans le palais des glaces Bolchoï de Sotchi, flambant neuf, ils espèrent aujourd’hui faire revivre les exploits d’antan. Pour y arriver, la troupe de Vladimir Poutine s’appuie sur trois vedettes de la Ligue nationale américaine (NHL) : Evgeni Malkin des Penguins de Pittsburgh, Alex Ovechkin des Capitals de Washington et Pavel Datsyuk des Red Wings de Détroit. Même si ces joueurs évoluent loin de chez eux, aux États-Unis, ils savent qu’ils doivent répondre aux attentes de tout un peuple. "J’essaye de ne pas y penser car je ne veux pas me mettre de pression. Mais c’est difficile de le faire. À chaque fois que je regarde les informations ou que je vais sur Internet, je ne vois que les Jeux olympiques", a raconté Alex Ovechkin à l’agence de la Presse canadienne.

Selon le journaliste Lawrence Martin du "Globe and Mail", spécialisé dans le hockey, cette énorme attente autour des joueurs russes pourraient finalement se transformer en faiblesse : "Les Russes font une erreur en se concentrant autant sur les résultats du hockey. L’histoire de ce sport nous a montré, à de rares exceptions, qu’ils ne répondent pas bien à la pression et qu’ils peuvent craquer".

L’équipe russe ne doit pas seulement se méfier de son mental, mais aussi de la qualité des sélections adverses. Les Canadiens, champions en titre, font toujours figure de favori. Emmenée par le héros national, Sidney Crosby, qui avait décroché la victoire à Vancouver par un but en prolongation contre les États-Unis, Team Canada peut aussi compter sur Jonathan Toews ou encore Patrick Sharp. La Suède, auréolée de deux titres olympiques (1994 et 2006) pourrait aussi, comme à son habitude, jouer les troubles fêtes. Finalistes malheureux il y a quatre ans, les Américains ont également soif de revanche. Trente-quatre ans après "le miracle de glace", les États-Unis vont entrer dans le vif du sujet dès le début de la compétition. Ils affronteront la Russie samedi 15 février pour la première grande affiche de ce tournoi.