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Le créateur du jeu "Flappy Bird" tue son oiseau aux œufs d’or

Le développeur Dong Nguyen a décidé, dimanche, de ne plus distribuer son jeu pour smartphone "Flappy Bird", devenu une vraie sensation lui rapportant 50 000 dollars par jour.

“Je ne peux plus supporter tout ça”. C’est par ce tweet que le développeur Dong Nguyen, basé au Vietnam, a justifié, samedi 8 février, sa décision d’arrêter de diffuser “Flappy Bird”, son petit jeu à sensation pour iPhone et smartphones Android. Vingt-deux heures plus tard, ce programme disparaissait d’iTunes et de Google Play, la boutique d’applications pour téléphones portables du géant du Net.

"Je peux qualifier 'Flappy Bird' comme étant un de mes succès. Mais il a aussi ruiné ma vie. C'est pourquoi je le déteste à présent" - Dong Nguyen, développeur de "Flappy Bird".

Difficile, a priori, de comprendre le ras-le-bol de Dong Nguyen. Son “Flappy Bird”, développé en une semaine il y a près d’un an, a été téléchargé plusieurs dizaines de millions de fois, depuis début 2014, sur les smartphones du monde entier. Ce jeu basique, où il faut permettre à un petit oiseau de survivre le plus longtemps possible, occupait la première place des applications les plus populaires sur l’iPhone, aussi bien aux États-Unis qu’en Chine. Le compte Twitter officiel de l’App Store, la boutique d’applications d’Apple, se réjouissait même du succès de “Flappy Bird”. Surtout, l’application générait environ 50 000 dollars (36 000 euros) par jour en revenus publicitaires, d’après le site américain “The Verge”.

C’était, donc, à tout point de vue l’illustration “du rêve devenu réalité pour chaque développeur d’application”, note l'Américain Zach Will sur son blog. Dong Nguyen n’a, de son côté, donné aucune explication détaillée de sa décision de tuer son petit oiseau aux œufs d’or. Il s’est juste borné à affirmer, toujours sur Twitter, qu’il n’a pas agi “pour des raisons juridiques” et n’avait pas non plus “l’intention de vendre” son jeu.

De l'anonymat à la folie

Pour le site américain spécialisé dans l’économie numérique "BusinessInsider", les explications de Dong Nguyen sont inutiles, il suffit de regarder la folie qui entoure “Flappy Bird” depuis près de deux mois pour comprendre. Le jeu existe, en effet, depuis mai 2013 et pendant plus de six mois, il a végété dans un anonymat des plus complets. Ce n’est qu’à partir de début janvier que sa popularité explose. Et pas qu’un peu : “Flappy Bird” passe, du jour au lendemain et sans crier gare, de quelques téléchargements par jour à plusieurs centaines de milliers. “Le 31 janvier, le jeu a recueilli plus de 5 500 avis sur iTunes”, souligne Zach Will. Un sacré changement pour Dong Nguyen, habitué jusqu’alors à compter les avis hebdomadaires sur les doigts d’une main.

Cette soudaine popularité a, alors, entraîné l’attention des médias. Les quelques articles positifs, qui vantaient notamment le côté addictif de “Flappy Bird” proche de celui du phénomène “Candy Crush”, se perdent dans un océan de critiques acerbes. La pauvreté graphique, le principe du jeu simpliste - taper sur l’écran pour faire avancer l’oiseau afin qu’il ne se fasse pas écraser - sont décriés. Pire : la difficulté est jugée insensé. Sur le site Philly.com, le journaliste avoue avoir dû jouer 30 minutes pour atteindre “le score ridicule de cinq [points, NDLR]”.

Accusations de plagiat et d’arnaque

Mais la presse ne critique pas seulement la qualité de l'application. Le site d'actualité spécialisé sur le jeu vidéo Kotaku affirme ainsi que “Flappy Bird” est tout simplement un plagiat graphique de l’univers de Mario. Il se rétracte par la suite, mais l'accusation de forte ressemblance avec l'habillage des jeux Nintendo a été largement reprise.

D’autres se demandent comment le jeu a réussi à connaître un tel regain de popularité. Certains, comme Bluecloudsolution, une société américaine de marketing sur mobile, soupçonne que le développeur vietnamien ait fait appel (contre rémunération ?) à des hordes de faux joueurs pour donner des bonnes notes à son “Flappy Bird”.

Enfin, les réactions des internautes à l’annonce de la mise à mort de “Flappy Bird” ont dû conforté Dong Nguyen dans l'idée que l’histoire était allée trop loin. Certains lui ont ainsi envoyé des tweets où ils menaçaient de se “suicider” si le jeu venait réellement à disparaître. Certes, comme le souligne BusinessInsider, il s'agissait plus de blagues que de réelles menaces. Mais une chose était claire : le phénomène “Flappy Bird” avait échappé à son créateur.

À tel point que sa disparition officielle n’a pas freiné l’engouement pour le jeu. Des internautes ont ainsi créé des T-shirts ornés du slogan “N’oublions jamais ‘Flappy Bird’”, en vente pour 19 dollars (14 euros). Des iPhone sur lesquels le jeu est installé se vendent à 900 dollars (660 euros) sur eBay, comme le souligne le magazine américain "Time". Un clone a même été créé en moins d’une journée, et le code a été rendu public pour que tout le monde puisse continuer à avoir sa “dose” d’oiseaux qui se font écraser.

Le rêve de Dong Nguyen était donc devenu un cauchemar. Mais un cauchemar, auquel il a pris soin de mettre un terme seulement après avoir gagné pas mal d’argent avec.