
À Sotchi, le patinage artistique a été secoué dimanche par des rumeurs de tricherie selon lesquelles un accord aurait été conclu entre la Russie et les États-Unis. Même si ces pays nient ces accusations, cette affaire rappelle d'anciens scandales.
Le président Vladimir Poutine n’a pas caché sa satisfaction, dimanche 9 février, après la victoire de la Russie dans l’épreuve de patinage artistique par équipes. Le chef d’État, présent dans la patinoire de Sotchi, a personnellement félicité les athlètes pour cette médaille d’or dont la légende Evegny Plushenko et la jeune prodige de la discipline, Ioulia Lipnitskaïa, seulement âgée de 15 ans.
Mais ce succès national a été assombri par des rumeurs de tricherie. Elles ont été lancées le vendredi 7 février par le journal français "L’Équipe". Dans un papier intitulé "Petits arrangements entre amis", le quotidien sportif a expliqué qu’un accord aurait été trouvé entre la Russie et les Etats-Unis pour assurer à chaque pays une victoire olympique. D’après un entraîneur russe cité par "L’Équipe", ce "troc" se serait déroulé selon ces conditions : "N'étant pas en concurrence directe, eux vont nous aider pour décrocher l'or par équipes et en couple, et nous les remercierons en votant pour les Américains Davis-White, face aux Canadiens Virtue-Moir, pour ce qui serait le premier titre olympique des États-Unis en danse" .
De graves accusations rapidement rejetées par les deux pays concernés. "Les commentaires publiés dans "L’Équipe" sont catégoriquement faux. Il n’y a aucune aide entre les pays. Nous n’avons rien d’autre à répondre aux rumeurs, sources anonymes ou autres spéculations", a affirmé la Fédération américaine de patinage artistique dans un communiqué. "Ce ne sont que bêtises et bavardages", a pour sa part déclaré Valentin Piseïev, directeur général de la Fédération russe de patinage artistique, cité par l’agence R-Sport. "S’ils en ont la preuve, qu’ils nous la montrent et qu’ils cessent juste de parler. Nous avions déjà traversé ça à Salt Lake City".
Les vieux démons du patinage
Ce n’est en effet pas la première fois que le monde du patinage artistique connaît ce genre de scandale. En 1926 à Oslo, la Norvégienne Sonja Henie avait remporté le titre de championne du monde par trois juges contre deux. Les trois juges en sa faveur étant norvégiens… Plus récemment, en 2002 lors des Jeux olympiques de Salt Lake City aux Etats-Unis, l’affaire Pelletier-Salé avait fait grand bruit. La juge française Marie-Reine Le Gougne avait confié avoir subi des pressions pour donner un avantage au couple russe Elena Berejnaïa et Anton Sikharulidze, au dépend des Canadiens Jamie Salé et David Pelletier. Après ces révélations, les deux équipes avaient finalement reçu une médaille d’or.
Depuis cette époque, les systèmes de notation ont été modifiés. Pour éviter des fraudes, la note la plus haute et la plus basse sont désormais éliminées. Afin de réduire la pression sur les juges, leur anonymat est également préservé. Mais comme le note le "New York Times", ces modifications ont aussi un effet pervers : "Cela a rendu la transparence aussi sombre qu’une cataracte". Citant la juge italienne Sonia Bianchetti, le journal américain affirme que ce nouveau système plus opaque permet surtout "d’éviter un nouveau scandale".
En ce qui concerne l’affaire de Sotchi, beaucoup de médias se montrent toutefois peu convaincus par les accusations de "L’Équipe". Selon le magazine sportif américain ESPN, il n’y a pas lieu de soupçonner le couple Davis-White d’arrangement car ils sont actuellement les champions du monde en titre et qu’ils sont au sommet de leur carrière. "Est-ce que les Etats-Unis ont vraiment le besoin de tricher dans ce genre de situation?". L'agence, La Presse Canadienne souligne également avec fair play que le duo canadien Virtue-Moir a bien été surpassé samedi par ses adversaires américains Davis-White et que ce jugement ne peut pas être mis en question : "Les Américains ont établi une marque de 75,98 points contre 72,98 points pour les Canadiens et Virtue a perdu l’équilibre légèrement lors d’un mouvement circulaire, plombant la coordination des deux athlètes par la suite". Ce média canadien explique par ailleurs que ces deux couples n’affichent pas d’hostilité. Pour preuve, ils s’entraînent ensemble à "Canton, au Michigan, et partagent la même entraîneuse, la Russe Marina Zoueva".
Le Comité international olympique a lui aussi tranché sur ces rumeurs. Le porte-parole du CIO Mark Adams a déclaré lors d’une conférence de presse dimanche n’avoir vu aucune preuve à ce sujet et qu’il s’agissait de ragots sans fondement".