Très actifs lors des grandes manifestations de Kiev, les leaders du mouvement d'AutoMaïdan ont été arrêtés un à un par la police anti-émeute. Pour leurs proches, ces activistes sont des "otages", permettant au pouvoir de "marchander".
C’est au volant de leur voiture qu’ils ont mené leurs actions. Au plus fort des grandes manifestations qui se sont tenues dans le centre de Kiev, des automobilistes ukrainiens regroupés au sein de l’organisation AutoMaïdan ont apporté leur pierre à l’édifice de la contestation.
Ils ont transporté des manifestants, assuré les ravitaillements sur la place de l’Indépendance, bloqué des véhicules de la police ou formé des cortèges en direction des résidences des dirigeants du pays. Mais face à la répression policière, le mouvement s’est peu à peu essoufflé. Une à une, les têtes pensantes du groupe ont été arrêtées par les forces de l’ordre.
Le 22 janvier, Oleksandr Kravtsov n'est pas rentré à la maison. Ce soir-là, cet activiste d'AutoMaïdan tentait de bloquer l'entrée d'un hôpital où sont soignés des manifestants, quand son cortège de voitures a été attaqué par la police anti-émeute, les Berkout. "D'abord, ils les ont battus, ils leur ont fait enlever leurs manteaux alors qu’il faisait -12° C. Ils les ont maintenus comme ça pendant près de deux heures. Et ils ont ordonné à mon mari de chanter ‘Gloire aux Berkout’", rapporte son épouse, l’écrivaine Olesya Mamchych.
"Plus en danger libres que derrière les barreaux"
Oleksandr a ensuite été placé en détention provisoire. Il pourrait faire partie des manifestants libérés si la loi d'amnistie, actuellement négociée avec l’opposition, est définitivement adoptée. Mais pour Olesya, son époux est devenu une monnaie d'échange politique. "Le pouvoir se comporte comme une sorte d'organisation pirate, qui prend des otages afin de marchander, commente-t-elle. Et même les preuves d'innocence les plus évidentes ne peuvent pas influencer le tribunal."
Avant l’arrestation d’Oleksandr, toute la famille avait l'habitude de participer aux actions motorisées d'AutoMaïdan. "La petite, elle dit que papa est dans une vilaine petite maison, parce que de méchants messieurs l'ont emmené. La plus âgée considère son père comme un héros", raconte Olesya.
L’écrivaine sait que son mari a échappé au pire. Plusieurs militants anti-régime ont été défigurés, torturés et même retrouvés morts. Pour les manifestants s’opposant activement au président Viktor Ianoukovitch, la peur fait désormais partie du quotidien. "Ils peuvent les libérer et puis, le lendemain, les arrêter de nouveau. Moi, j’étais heureuse de retrouver mon mari au commissariat et pas dans la forêt. Tant que ce pouvoir reste en place, ils sont peut-être même plus en danger libres que derrière les barreaux...", affirme Olesya.
Comme Oleksandr, au moins une centaine de manifestants et d'activistes dorment à ce jour en prison. Leur sort est suspendu aux pourparlers entre l'opposition et le pouvoir du président Ianoukovitch.