Le Premier ministre turc rencontre mardi les dirigeants de l'Union européenne dans un contexte qui s'annonce difficile. Le projet de loi judiciaire contesté voulu par Recep Tayyip Erdogan risque de compromettre l'adhésion de la Turquie à l'UE.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan devait initialement rencontrer mardi 21 janvier les responsables des grandes instances européennes à Bruxelles pour célébrer la relance des relations entre la Turquie et l’UE. Mais l’ordre du jour pourrait bien être bouleversé.
Les récentes critiques suscitées par son projet de loi judiciaire très contestée risquent de contraindre le chef du gouvernement islamo-conservateur à se justifier devant les dirigeants européens.
Accueilli par des milliers de partisans
Même si le chef du gouvernement turc a été accueilli à Bruxelles par 2 000 à 3 000 partisans rassemblés devant son hôtel, sa visite s'annonce en tout point difficile. En Europe, la cote de popularité d’Erdogan avait déjà chuté lors de la répression de la vague de contestation antigouvernementale en juin dernier.
Ses détracteurs lui reprochent aujourd'hui sa volonté de remettre au pas la justice turque et d'étouffer les enquêtes qui le menacent. Depuis le 17 décembre, des dizaines de patrons, d'hommes d'affaires et d'élus proches du pouvoir ont été inculpés ou incarcérés pour corruption, fraude et blanchiment d'argent dans une série d'enquêtes qui ont déjà provoqué la démission de trois ministres.
Le projet de loi de réforme judiciaire a engendré une levée de boucliers dans l'opposition, qui le juge contraire à la Constitution, et de nombreuses critiques de la part de l'UE et des États-Unis.
Une commission du Parlement turc discute depuis une dizaine de jours ce texte qui vise à modifier le fonctionnement du Haut-conseil des juges et procureurs (HSYK), notamment en accordant au ministre de la Justice le dernier mot dans le processus de nomination de magistrats.
Réticente à communiquer sur ce projet de loi, la Turquie a fini par informer la Commission européenne qui avait demandé à être consultée en amont sur sa teneur, a indiqué une source européenne.
"Erdogan aurait mieux fait d'annuler"
Le ministre turc des Affaires européennes, Mevlüt Cavusoglu, a répété, lundi 20 janvier, la volonté de son pays d'éviter avec l'UE toute crise susceptible de faire une nouvelle fois dérailler la candidature de la Turquie. "Nous comprenons que l'initiative ait suscité certaines discussions, mais nous allons leur en expliquer le bien-fondé", a ajouté le ministre, répétant que le projet de loi était selon lui "conforme aux normes politiques de l'UE".
Dans ce contexte, nombre de commentateurs turcs ont prédit un déplacement à Bruxelles difficile pour le Premier ministre. "M. Erdogan aurait mieux fait d'annuler sa visite à Bruxelles", a écrit dans le quotidien "Taraf" l'éditorialiste Semih Idiz. "Il est très probable qu'il cherche à donner une leçon de démocratie, voire à sermonner ses interlocuteurs européens qui vont lui faire des reproches", a-t-il déclaré, "des dégâts sont inévitables".
Les négociations d'adhésion de la Turquie, officiellement entamées en 2005, sont longtemps restées au point mort en raison notamment du différend territorial avec Chypre, membre de l'UE, et des réticences de la France et de l'Allemagne.
Avec AFP