
La montée en puissance des djihadistes en Syrie a-t-elle convaincu les Occidentaux de renouer avec le président syrien Bachar al-Assad ? Damas affirme qu'elle a été récemment sollicitée par des services de renseignements occidentaux.
Angoissés par la poussée de fièvre djihadiste en Syrie, les Occidentaux tenteraient-ils de renouer avec le régime du président syrien Bachar al-Assad ? Selon Damas, la réponse est affirmative. Dans un entretien accordé à la "BBC", Fayçal Mekdad, le vice-ministre des Affaires étrangères syrien, affirme que "de nombreux" services de renseignements occidentaux se sont récemment "rendus à Damas" pour solliciter la coopération du gouvernement en matière de sécurité. Selon ce membre du cercle rapproché du pouvoir syrien : "Beaucoup de pays ont compris qu’il n’y avait pas d’alternative à Bachar al-Assad".
"Franchement, l'état d'esprit a changé, ajoute-t-il. Quand ces pays [qu’il a refusé de citer, NDLR] nous demandent de coopérer dans le domaine de la sécurité, il me semble qu'il y a un schisme entre les responsables politiques et ceux des services de sécurité", a-t-il souligné, faisant référence aux positions officielles des pays occidentaux opposés au président Bachar al-Assad.
Des rencontres secrètes à l’automne 2013
La BBC s’appuie sur des "sources informées" pour affirmer que des représentants des services de renseignement américain, britannique et allemand se seraient rendus à Damas "non seulement pour discuter de la détention de ressortissants étrangers mais aussi pour parler de sujets plus larges relatifs à la sécurité". La chaîne britannique juge cependant qu'il est très difficile de certifier la réalité de tels contacts, sachant que le régime syrien n’a plus à démontrer sa compétence en matière de propagande.
De son côté, le "Wall Street Journal" rapporte une information similaire, mais un peu plus détaillée. Le prestigieux quotidien américain affirme que plusieurs réunions de sécurité entre des membres du renseignement, des anciens diplomates occidentaux (français, allemands, britanniques et espagnols) et des représentants du régime syrien se sont tenues au cours de l’automne 2013. Il aurait été notamment question de recueillir des informations sur 1 200 djihadistes européens opérant sur le sol syrien.
Jusqu’ici, seul Madrid a confirmé une telle prise de contact. De son côté, le quai d’Orsay n’a pas souhaité commenter ces informations, pas plus que le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, sollicité par Reuters.
"Je ne sais rien à ce sujet", a déclaré pour sa part le secrétaire d'État américain, affirmant que des échanges de ce type n'existeraient "certainement pas sous (ses) auspices". Le ministère britannique des Affaires étrangères s'est refusé, mercredi 15 janvier, à toute réaction, expliquant à l'AFP "ne pas faire de commentaires relatifs aux questions de renseignement".
Assad, devenu incontournable ?
Toujours est-il que ces informations et les affirmations du vice-ministre syrien interviennent à quelques jours de l’ouverture de la conférence de paix sur la Syrie, prévue à partir du 22 janvier à Genève. Elles tombent au plus mal pour une opposition divisée et prise en étau entre la montée en puissance des djihadistes sur le champ de bataille et la pression de ses parrains internationaux qui l’exhortent à participer à "Genève II". Autant d’éléments qui renforcent la position de Bachar al-Assad avant les négociations, en le rendant incontournable.
En proie au chaos et à la violence depuis presque trois ans, la Syrie est devenue une sorte de terre promise pour les djihadistes, bien plus accueillante que les contrées afghano-pakistanaise ou les dunes du Sahel. Les grandes puissances ne cachent plus leur inquiétude face à la prise de pouvoir des groupes radicaux qui ont supplanté les autres rebelles, et à la présence de centaines de djihadistes occidentaux sur le sol syrien. Et notamment de la menace que ces derniers peuvent représenter lorsqu’ils décideront de rentrer en Occident.
Lors de son grand oral devant la presse nationale et internationale, le 14 janvier, le président français François Hollande a qualifié ce phénomène d’"inquiétant", en avançant au passage le chiffre éloquent de 700 jeunes Français et jeunes étrangers partis de France pour faire le djihad en Syrie.