À une heure de la représentation, le Conseil d'État a maintenu, jeudi, l'interdiction du spectacle de Dieudonné, accusé d'antisémitisme par le gouvernement. L'humoriste controversé devait se produire le soir même au Zénith de Nantes.
Les portes du Zénith de Nantes resteront closes jeudi 9 janvier. Quelques heures après la décision du tribunal administratif de la ville d’autoriser le spectacle de Dieudonné, le Conseil d'État a finalement donné raison au gouvernement en interdisant le polémiste de se produire sur scène.
Le spectacle affichait pourtant presque complet, mais la plus haute juridiction administrative du pays, saisie par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, a décidé d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Nantes. Ce dernier avait suspendu plus tôt dans l'après-midi l'interdiction du spectacle "Le Mur" dans la salle du Zénith.
"L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en date du 9 janvier est annulée", stipulait l'ordonnance du conseil d'Etat dans son article 1.
Le Zénith de Nantes sous surveillance policière
Les forces de l’ordre, rassemblées depuis la fin d’après-midi devant le Zénith de Nantes où le spectacle de Dieudonné devait être programmé, étaient prêtes à intervenir, jeudi soir, alors qu’une partie des 6 000 personnes attendues au spectacle se refusait à quitter les lieux malgré l'annulation de la représentation.
"Valls démission!" ou "liberté d’expression !" ont crié les fans déçus, après avoir sifflé la décision du conseil d’Etat. D’après Julien Muntzer, envoyé spécial de FRANCE 24 devant le Zénith de Nantes, la foule a entamé plusieurs fois la Marseillaise en faisant le geste polémique de la quenelle.
Sur sa page Facebook, Dieudonné a demandé à ses fans de rentrer chez eux, annonçant qu'il mettrait en ligne une vidéo le 10 janvier sur sa chaîne Youtube. "Ils cherchent l'affrontement physique donc rentrez chez vous en chantant la Marseillaise", prescrit-il en lettres capitales sur le réseau social. En moins d'une demi-heure, plus de 7 750 personnes ont "liké" la page du polémiste.
Les spectateurs, qui, selon les journalistes sur place, ont attendu la sortie de Dieudonné, ont commencé à se disperser vers 20h30, heure à laquelle le spectacle aurait dû commencer.
République versus liberté d'expression?
Un peu plus tôt en début d’après-midi, le juge Jean-François Molla avait autorisé la prestation de Dieudonné Mbla Mbala, indiquant dans un communiqué que le spectacle "ne peut être regardé comme ayant pour objet essentiel de porter atteinte à la dignité humaine". Mais le ministre de l'Intérieur a aussitôt fait appel au Conseil d'État, qui s’est saisi du dossier en appel avec une rapidité exceptionnelle.
Jeudi soir, Manuel Valls a donc salué la décision de la plus haute juridiction administrative. "La République a gagné [...] elle ne peut pas tolérer la haine de l'autre, le racisme, l'antisémitisme, le négationnisme", a réagi le ministre de l'Intérieur lors d'un déplacement à Brest (Finistère). Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a estimé pour sa part que la décision du Conseil d'État "conforte la position du gouvernement" prise pour enrayer la "dérive antisémite" dans laquelle s'est, selon lui, engagé l'humoriste controversé.
La Ligue des droits de l'Homme [LDH] a, elle, condamné une décision "lourde de conséquences pour la liberté d'expression". "Le juge n'a pas fait prévaloir la liberté d'expression sur l'interdit et c'est une décision qui est lourde de périls", a commenté Pierre Tartakowsky, le président de la LDH.
La ligue avait estimé, lundi, que toute interdiction préalable des spectacles risquait d'être "contre-productif" et de générer "de la sympathie" pour Dieudonné, déjà condamné à de multiples reprises pour antisémitisme.
Avec AFP