Le parquet de Marseille a ouvert une enquête sur l’existence d’une fraude à la délivrance de diplômes au bénéficie de centaines d’étudiants chinois de l’université de Toulon. D’autres facultés de l'Hexagone seraient concernées.
C’est en enquêtant sur l’agression d’une étudiante chinoise, sur le campus de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de l’université de Toulon, que des policiers ont commencé à soupçonner, en octobre 2008, l’existence d’un vaste trafic de diplômes au bénéfice de plusieurs centaines d’étudiants chinois.
Ces suspicions ont abouti à l’ouverture, à la fin du mois de mars, par le parquet de Marseille, d’une information judiciaire pour "corruption passive et active, et escroquerie", selon des informations parues dans l’édition du "Monde" datée du 16 avril, et confirmées depuis par le procureur de la République de Marseille.
L’étudiante agressée avait en effet contracté une dette assez importante auprès d’un intermédiaire. Or, quelques semaines auparavant, deux étudiants chinois de l’IAE avaient déposé une main courante au commissariat, apparemment révoltés d’avoir pris connaissance de pratiques de fraude sur la délivrance de diplômes. Les enquêteurs ont vite fait le rapprochement entre les deux dossiers, et poussé les investigations plus avant.
Un diplôme facturé 2 700 euros
"L’affaire est née au cours de l’année universitaire 2004-2005, quand un étudiant chinois, inscrit à l’IAE, éprouvait toutes les peines du monde à décrocher sa licence, écrit "Le Monde". Dépité, il aurait alors soudoyé une personne de l’IAE avec succès, et fini par obtenir le précieux certificat".
L’étudiant en question aurait ainsi découvert un tout aussi précieux filon et en aurait fait profiter ses camarades. Selon une source proche de l’enquête citée par le quotidien, le faux diplôme serait facturé autour de 2 700 euros et, rien qu’en 2008, "un étudiant aurait à lui seul vendu près de 300 diplômes à autant d’étudiants".
Le 9 avril dernier, une perquisition a été menée dans les locaux de l’IAE. Les copies d’examen des étudiants chinois des quatre dernières années ont été saisies. Toujours selon "Le Monde", le directeur de l’Institut, Pierre Gense, "a reconnu avoir été sollicité début 2009 par un étudiant chinois qui lui aurait proposé un pot-de-vin de 100 000 euros en échange de diplômes - des licences et des masters - pour une soixantaine de congénères".
Pau, La Rochelle, Poitiers aussi concernés ?
Alertées sur ces soupçons de fraude dès le mois d’octobre par les policiers, l’université de Toulon a diligenté une enquête administrative interne. "Nous avons constaté des choses troublantes", déclare au "Monde" le vice-président de l’université, Pierre Sanz de Alba. Et de citer l’exemple du master d’entreprenariat, où près de 100 % des élèves chinois étaient reçus, une proportion qui tombe entre 60 % et 70 % si l’on considère les autres nationalités, Français y compris.
L’université de Toulon accueille environ 650 étudiants chinois. Pour eux, un diplôme français constitue un sésame sur leur CV à leur retour dans le pays. Pour suivre un cursus universitaire en France, tout étudiant étranger - ils sont au total 260 000 dans l’Hexagone - doit passer un test de niveau de langue. La réussite à ce test, payant pour le candidat, est nécessaire pour obtenir un visa d’étude. Des fraudes ont récemment entaché certaines sessions de tests organisées à Pékin et Shangaï notamment.
Un tel contexte ne fait qu’étayer les soupçons de fraude aux diplômes. Pierre Sanz de Alba a ainsi déclaré au "Monde" que la plupart des nouveaux étudiants chinois accueillis cette année sur le campus "ne parlaient pas français".
L’enquête est en cours, doublée depuis ce week-end à la demande de la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, d’une enquête de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR). Selon le procureur de Marseille, interrogé par l’AFP, les pratiques découvertes à l’université de Toulon sembleraient "se passer ailleurs en France", des personnes entendues par les enquêteurs parlant de "quatre à cinq universités" de "villes moyennes". Plus précis, "Le Monde" évoque les universités de Pau, La Rochelle et Poitiers. Le journal cite également une université en région parisienne, sans plus de détails cette fois.