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Une vie de Rom

En France, le démantèlement des camps a plongé les Roms dans une grande précarité. Conditions d’hygiène difficiles, scolarisation chaotique pour les enfants... La population rom est poussée à la rue. Plongée au cœur d’une famille qui vit au rythme des expulsions.

Dans le campement de fortune de Croix, dans le nord de la France, les caméras et les journalistes se suivent et se ressemblent. Le maire de cette petite ville vient de commettre l’un des nombreux “dérapages“ politiques, dont sont victimes les Roms, à quelques mois des municipales en déclarant : “Si un Croisien commet l’irréparable, je le soutiendrai!“, a-t-il assuré.

Les journalistes viennent donc voir ces Roms qui, selon l’édile, exaspèrent les administrés. Les questions agacent. Les “Dégage !“ fusent. “C’est le premier mot qu’ils apprennent en français...“, nous confiera plus tard un instituteur.

Au bout de deux heures à errer entre les caravanes, à serrer des mains, certains comprennent que notre équipe restera un peu plus longtemps que les autres.

Danou, un homme d’une quarantaine d’années, s’approche. Il veut raconter son histoire et nous offre un café. Plusieurs habitants du campement se joignent à nous. Tous demandent : “Est-ce que vous pouvez nous aider ?“ Au bout d’un moment, un jeune homme, prénommé Florin, propose de nous accompagner dans un autre campement, dont l’évacuation est imminente.

Là-bas, Alessandro souhaite aussi nous parler. Il est prêtre évangéliste, c’est l’un des porte-paroles des Roms de la région. Au micro, il veut s’adresser au préfet, lui dire que, comme lui, certains désirent s’intégrer en France. Et il espère en apporter la preuve, si nous filmons son quotidien et ses difficultés.

Injustice

“Dites leur, aux Français ! Je comprends que nous ne soyons pas les bienvenus. Parmi nous, il y en a qui ont causé des problèmes, parce qu’ils avaient peur de l’expulsion. Ils ont voulu faire de l’argent rapidement avant de repartir en Roumanie, alors ils ont volé... Mais moi, je veux rester, ce n’est pas juste que nous payions pour les mauvaises actions de certains.“

Pendant plus d’un mois, nous sommes revenus dans ce campement, les températures ont baissé et l’expulsion s’est concrétisée.

Le jour où la police investit le camp, le portable sonne. C’est Alessandro. Il est un peu soulagé de voir arriver notre caméra. Une nouvelle fois, il s’enquiert : “Vous pouvez nous aider ? – Non, nous ne pouvons pas, à part raconter votre histoire et espérer que ceux qui écoutent auront peut-être une solution.“

Au début de ce reportage, Amnesty International a publié un rapport sur les Roms en France, dont le titre était “Condamné à l’errance“. Et aujourd'hui, cela fait plus de 25 ans qu'Alessandro parcourt les routes d’Europe.