
Plusieurs dizaines de milliers d’Allemands qui ont visité un site de vidéo pornographique ont reçu une lettre leur réclamant de payer une amende de plusieurs centaines d’euros. Une affaire qui fait polémique en Allemagne.
Entre 10 000 et 30 000 Allemands ont eu, ces derniers jours, une bien mauvaise surprise en ouvrant leur boîte aux lettres. Ils ont tous reçu une mise en demeure de payer 250 euros par vidéo classée X regardée sur le site redtube.net.
Des missives qui ont été envoyées par le cabinet allemand d’avocats Urmann + Collegen (U+C) qui affirme que le site de streaming incriminé permet de regarder illégalement des films protégés par des droits d’auteurs, tels que “Amanda’s secret” ou encore “Miriam’s adventure”.
C’est l’une des plus importantes campagnes à viser les utilisateurs de sites pornographiques en Europe. Pas étonnant que les Allemands en soient la cible : ils sont les champions du monde des amateurs de sites classés X. La pornographie représente près de 12,5 % du trafic Internet en Allemagne [contre 7,34 % en France], d’après le cabinet israélien d’analyse de données SimilarWeb.
Le streaming dans le collimateur
Jusqu'à présent, les affaires de mises en demeure concernaient des internautes qui avaient téléchargé illégalement des films grâce aux réseaux d'échanges de fichiers P2P, où il est plus facile de récupérer les adresses IP des supposés contrevenants.
Mais cette fois-ci, le cabinet U+C s'attaque à une population qui se croyait à l’abri : ceux qui assouvissent leurs fantasmes en regardant des films en streaming. En principe, seul le site hébergeant les vidéos est censé savoir qui est connecté.
La question qui agite donc le Web et les médias allemands est comment U+C a-t-il pu mettre la main sur une telle liste d’amateurs de streaming porno ? L’affaire s’est, ainsi, déplacée du terrain du coquin à celui beaucoup plus sensible de la protection des données privées.
“Nous avons reçu plus de mille appels de personnes qui voulaient savoir quoi faire et comment c’était possible”, affirme au site chip.de un cabinet d’avocats spécialisé dans les nouvelles technologies. Redtube a-t-il généreusement remis à U+C les données d’identification ? Un geste qui, dans l’univers impitoyable des sites proposant ce genre de service, aurait porté un sacré coup à la réputation de la plateforme de streaming.
Erreur des juges
Il semblerait, en fait, qu’un logiciel espion ait été utilisé pour récupérer les adresses IP des visiteurs de redtube.net à leur insu. C’est ce qui ressort de la décision des juges de Cologne qui ont autorisé U+C à demander aux fournisseurs d’accès à l’Internet les noms des abonnés correspondant aux adresses IP. Impossible, en revanche, de savoir si c’est le cabinet d’avocats qui a eu directement recours à ces méthodes de pirates informatiques ou s’il s’est procuré ces listings auprès d’un tiers
Mais l’affaire, qui était au départ une simple histoire d’internautes pris la main dans le sac, se complique encore à cause du flou juridique qui entoure le streaming. Les juges qui ont donné leur accord se seraient, en fait, emmêlés les pinceaux sur la nature de Redtube, d'après le site du magazine Focus.
La justice l'aurait considéré comme une plateforme d'échanges et de téléchargement de fichiers et non pas comme un site de streaming. La nuance est de taille : le logiciel espion doit, d'après son constructeur, uniquement être utilisé pour les sites de telechargement, car la loi allemande ne dit pas clairement que le streaming est une pratique illégale si le film est protégé par des droits d'auteur. “Visiblement, les juges ne savaient pas très bien de quoi il s’agissait”, regrette l’avocat allemand Christian Solmecke interrogé par le site chip.de.