La Belgique s'apprête à étendre la loi de 2002 sur l'euthanasie aux mineurs. Le sujet est sensible mais ne suscite pas de débats virulents dans le pays, la majorité des Belges est favorable à cette nouvelle loi. Reportage.
La Commission "Affaires sociales et Justice" du Sénat belge a adopté à une large majorité, le 27 novembre, une proposition de loi visant à étendre le cadre légal autorisant l'euthanasie aux mineurs. Seuls les enfants faisant face à des souffrances physiques insupportables et inapaisables, en phase terminale, pourront, avec l'accord parental et encadrés par une équipe médicale, bénéficier de l'euthanasie qu'ils auront sollicitée.
Ce texte est soumis, jeudi 12 décembre, au vote des sénateurs en séance plénière. Objectif des législateurs : obtenir le feu vert de la chambre avant les élections législatives de mai 2014. L'adoption de cette loi fera de la Belgique le deuxième pays au monde - après les Pays-Bas - à autoriser l'euthanasie des mineurs.
“Une leçon de mort exemplaire”
Depuis la loi du 28 mai 2002, l’euthanasie est déjà autorisée dans le pays pour les personnes majeures. Christine Serneels, une retraitée belge, y a été confrontée il y a huit ans avec sa mère : "Elle était atteinte de cette maladie incurable de la vue et pour elle c'était une souffrance psychique intolérable. Pour nous, c'était un merveilleux cadeau et une leçon de mort exemplaire".
Désireuse elle aussi de pouvoir partir dans la dignité, Christine Serneels a decidé de remplir une déclaration anticipée auprès de son médecin traitant, stipulant qu'en cas de maladie incurable, elle souhaite être euthanasiée. "Pour moi, c'est une sorte d'assurance, au même titre qu'une assurance incendie on la prend avant l'incendie et non après", souligne-t-elle sans tabou.
En 2002, le sénateur Philippe Mahoux s’était battu pour permettre aux patients d’avoir la liberté de choisir leur mort. Aujourd'hui il souhaite aller plus loin en proposant d'étendre l'euthanasie aux mineurs, dans des cas exceptionnels.
"Le premier garde-fou, c'est qu'on doit vérifier la capacité de discernement du mineur. La deuxième balise, c'est qu'on a réservé la possibilité de pratiquer cette euthanasie quand le patient doit s'attendre à une mort dans un délai qui est un délai rapproché. La troisième c'est qu'on demande l'autorisation des parents ou des responsables légaux", explique-t-il.
Des questions dans le monde politique et médical
Le 27 novembre dernier, sa proposition a été adoptée, en commission du Sénat par 13 voix contre 4. Dans la classe politique, seuls les démocrates chrétiens (flamands et francophone), et l'extrême droite flamande s’y opposent. Même s’ils ne sont plus aujourd’hui des farouches combattants de l'euthanasie, ils refusent son extension aux mineurs
"Est-ce que vraiment il faut faire peser sur cet enfant, à quelques heures, à quelques jours de son décès, un poids psychologique de cette importance? Moi je ne le crois pas", soutient ainsi le sénateur Francis Delpérée du parti Centre démocrate humaniste (CDH).
Dans le corps médical, certaines voix s'élèvent aussi contre une loi jugée inutile voire même dangereuse. Pour le professeur Timothy Devos, hématologue, il faut surtout se concentrer sur les soins palliatifs : "Même quand il y a une grande souffrance physique chez un enfant en stade terminal, on peut très bien soulager ses souffrances par les moyens qu'on a. Ce qui me préoccupe, c'est que dans la proposition de loi actuelle on n'a même pas mis d'âge ou de limite d'âge".
La professeure Dominique Biarent, chef du service pédiatrie de l’hôpital Reine Fabiola de Bruxelles considère en revanche que les enfants confrontés à la maladie mûrissent beaucoup plus vite. Avec d'autres collègues, elle a publiquement marqué son soutien à la proposition de loi aujourd'hui en débat : "Un médecin qui travaille avec des enfants malades, gravement malades, il est bien obligé de donner des réponses aux questions qui sont posées et on ne peut pas juste dire : 'ah oui tu souffres, ben c'est dommage, on va continuer comme ça jusqu'au bout'".
"Une ultime preuve d’amour"
Ce point de vue est aussi relayé par certains parents. C'est le cas de Marijke dont le fils Benjamin a été emporté par un cancer du foie en 2004. Pour elle, l'euthanasie, même des enfants, doit pouvoir être envisagée.
"Pour moi ça aurait été la dernière, l'ultime preuve d'amour que j'aurais pu avoir pour mon enfant, c'était l'empêcher, faire en sorte qu'il ne souffre plus, qu'il ne souffre pas, que ça s'arrête", témoigne cette mère de famille.
Son long combat contre la maladie avait donné à Benjamin une maturité exceptionnelle. Sachant sa fin proche il avait même décidé, à sept ans seulement, qu'il serait incinéré : "Les médecins ont dit qu'il perdrait sa capacité respiratoire, que si on voulait on pourrait le descendre aux soins intensifs pour l'intuber, Benjamin a dit non, il ne voulait pas. Il n'avait que 7 ans et demi quand il est décédé mais croyez-moi le discernement, il l'avait".
Comme Marijke une grande majorité des Belges soutient la proposition de loi. Selon un récent sondage, 75 % sont pour, 13 % n'ont pas d'opinion tranchée. Seuls 12 % de la population y seraient aujourd'hui opposés.