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, envoyé spécial à l'Élysée – Le sommet de l'Élysée pour la paix et l'Afrique s'est ouvert sur un hommage du président français et de ses pairs africains à Nelson Mandela, décédé jeudi. L'occasion pour Paris de faire valoir un "nouveau partenariat militaire" avec le continent.

C'est sous des drapeaux français en berne que les délégations africaines ont été reçues, vendredi 6 décembre, à l'Élysée, où se tient jusqu'à samedi le Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique. Un honneur rendu par la République française à Nelson Mandela, décédé jeudi à Johannesburg, auquel la quarantaine de chefs d'État et de gouvernement africains participant au conclave n'a pas été insensible, tant l'ancien président sud-africain demeure une icône sur le continent. Et au-delà.

Par la concomitance des événements, la grand-messe franco-africaine, que le président François Hollande souhaite débarrassée des oripeaux de la “Françafrique”, se voit ainsi placée sous le patronage des idéaux du héros de la lutte anti-apartheid. "Le destin veut que l'Afrique soit réunie, ici à Paris, au lendemain de la mort de Nelson Mandela, a indiqué le chef de l'État français en ouverture du sommet. C'est un symbole mais aussi une exigence de responsabilité." Et d'ajouter : "La France retient, en cet instant même, le message d'espoir pour tous les peuples du monde que Mandela a porté […] Ce message, il nous oblige et la France fera, à sa place, tout ce qu'il faut pour en être digne. Mais aujourd'hui, c'est Nelson Mandela qui préside les travaux de ce sommet."

À l'heure où la France, moins d'un an après son intervention militaire au Mali, déploie des troupes en Centrafrique, invoquer les valeurs d'une icône de la paix pourrait paraître incongru. À l'instar de François Hollande, diplomates et journalistes français présents sur place considèrent que le rappel des combats de Madiba ne constitue guère un paradoxe.

"Une invitation à pérenniser l'idéal démocratique de Mandela"

“Sa mort est une invitation pour les chefs d'État à contribuer et à pérenniser son idéal démocratique. Mandela s'impose à nous tous. Mandela n'est pas qu'un concept, nous sommes obligés de suivre aujourd'hui le chemin qu'il a tracé”, commente un diplomate camerounais. "Ce que Mandela a fait pour son pays, transformer un régime d'apartheid en une nation arc-en-ciel, en un espace de liberté et de démocratie, c'est ce qu'il faut pour le continent et cela passe par la paix et la sécurité", abonde Prosper Da, journaliste à la radio-télévision publique du Burkina Faso.

La paix et la sécurité, c'est sur la base de ces deux conceptions que François Hollande s'emploie, depuis l'opération Serval au Mali, à orienter les relations entre Paris et le continent. Ancienne puissance coloniale accusée de vouloir défendre ses intérêts dans son pré carré, la France veut faire, désormais, " un nouveau partenariat de coopération militaire” qui dépasse le cadre des opérations armées fleurant bon le paternalisme néo-colonialiste. En clair, Paris n'envoie pas seulement des hommes et des avions dans ces anciennes colonies en crise, mais œuvre également à la lutte contre le terrorisme, les trafics (d'armes, de drogue, d'êtres humains, etc.), le réchauffement climatique et la piraterie maritime.

" Les temps ont changé"

De fait, pour François Hollande, "les temps ont changé". Face aux conflits qui rongent le continent, "une période nouvelle s'est ouverte, a-t-il observé. L'Afrique doit assurer pleinement son destin et assurer par elle-même sa sécurité. Mais en même temps, chacun sait ses manquements, ses insuffisances, ses fragilités." Aussi le président français soutient-il la création d'une force continentale d'intervention rapide souhaitée par l'Union africaine. Corps pour lequel l'armée tricolore serait prête à former 20 000 soldats africains chaque année.

En attendant, c'est dans une volonté de "préparer les forces africaines à pouvoir répondre à toutes les menaces" que la France a déclenché - plus tôt que prévu - l'opération Sangaris en Centrafrique. Chargés dans un premier temps d'éviter un désastre humanitaire et de stabiliser le pays en proie au chaos, le s quelque 1 200 soldats français qui seront mobilisés doivent constituer une "force de transition" vouée à accompagner la Misca, la force africaine qui compte actuellement 2 500 soldats venus du Tchad, du Cameroun, du Congo et du Gabon.

Reste que dans cette mission, la France se sent bien seule. Pour l'heure, Paris ne bénéficie d'aucun soutien logistique, matériel ou financier de la part de ses alliés européens et américains, à l'exception du Royaume-Uni, qui a proposé "une aide logistique limitée" à la France, tout en excluant l'envoi de troupes. "Les Européens sont toujours dans l'option zéro mort, zéro risque politique", déplorait à l'AFP un responsable de la Défense, avant l'ouverture du sommet. "La France et l'Europe souhaitent être davantage associées au destin de votre continent", a lancé François Hollande à l'adresse des délégations africaines. À moins que ce vœu pieu ne fût formulé en direction de ses partenaires européens.