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"Défendre le gaz de schiste est une position passéiste"

Un rapport parlementaire favorable au gaz de schiste, mais un ministre de l’Écologie qui campe sur l’interdiction de la fracturation hydraulique : la France envoie des signaux contradictoires. Point de vue d’un farouche opposant au gaz de schiste.

Sur quel pied danse actuellement la France sur la question du gaz de schiste ? D’un côté, deux parlementaires, le député socialiste Christian Bataille et le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir, ont rendu public, mercredi 27 novembre, un rapport appelant à “dédiaboliser le débat” sur la question et prônant les expérimentations sur le territoire français de techniques de fragmentation hydraulique “améliorée”.

De l’autre, le ministre de l’Écologie Philippe Martin a annoncé, dans un entretien au "Parisien" paru jeudi 28 novembre, qu’il n’accorde pas au groupe américain Hess Oil le droit de procéder à des forages pétroliers dans le bassin parisien. Motif du refus ? “Pouvais-je valider ces mutations de permis, alors que l’objectif initial était exclusivement d'explorer des gaz de schiste [...], cela implique forcément d'avoir recours à la fracturation hydraulique qui est un procédé interdit en France", a expliqué le ministre.

Malgré l’interdiction de la fracturation hydraulique inscrite dans la loi de 2011, le débat est, donc, loin d’être clos dans l’Hexagone. Le fossé semble même se creuser entre ceux qui, à l’instar des rapporteurs, estiment que l’avantage économique de l’exploitation du gaz de schiste est trop important pour être mis de côté et ceux qui ne veulent pas en entendre parler pour des raisons écologiques. La faute aux nouvelles techniques d’extraction - actuellement encore à l’étude en laboratoire - censées être plus écolo-compatibles. L'utilisation d'arcs électriques, de la fracturation thermique ou encore de la stimulation par propane sont autant de nouvelles flèches à l’arc des adeptes de l’exploitation du gaz de schiste.

De l’autre côté, les détracteurs de l’utilisation de cette ressource non-conventionnelle ne veulent même pas se laisser entraîner sur le terrain des multiples techniques de fracturation. Dans ce camp, le député Europe Ecologie-Les Verts (EELV) François-Michel Lambert est un jusqu’au-boutiste qui estime que tout le débat autour du gaz de schiste est “passéiste”. Il est aussi l’auteur d’une proposition de loi, en attente depuis un an, qui vise à interdire une fois pour toute l’exploitation du gaz de schiste sur le sol français.

FRANCE 24 : Que pensez-vous du rapport parlementaire appelant à “dédiaboliser” le débat sur le gaz de schiste ?

François-Michel Lambert : J’ai envie de l’ignorer. Pour moi, les auteurs du rapport sont des “climato-sceptiques” du débat sur la politique énergétique. À chaque fois qu’on leur donne la parole, ils disent la même chose, et essaient de repeindre en vert une technique mauvaise pour l’environnement.

Ceux qui ont rédigé ce rapport ne servent pas l’intérêt général, mais celui d’entreprises qui sont très intéressées à ce que l’on fasse des trous en France - gaz de schiste ou pas - pour pouvoir vendre leur matériel d’extraction.

F24 : Pourtant, les auteurs du rapport reconnaissent les limites “environnementales” des techniques actuelles et évoquent une fracturation hydraulique “améliorée”, cela ne pourrait-il pas réconcilier tout le monde ?

F.-M. L. : Ce n’est pas qu’une question de technologie. C’est une question de savoir dans quel sens on veut aller pour notre politique énergétique. Quand je rencontre des industriels du secteur du gaz comme GDF ou GRTgaz, ils me disent que leur ambition forte c’est le bio-gaz. C’est ça la modernité. Défendre le gaz de schiste est une position passéiste.

Tandis que nous parlons encore de gaz de schiste, les Allemands ouvriront dans les prochains mois une station de méthanisation [transformer le dioxine de carbone en méthane, NDLR] ! Alors quand on vient me dire qu’il faut creuser, je dis oui, mais pas dans nos sous-sols, plutôt se creuser les méninges pour avancer sur les questions d’énergie renouvelable.

F24: Avez-vous été étonné par la décision de Philippe Martin de ne pas accorder les permis de forage pétroliers à l’américain Oil Hess ?

F.-M. L. : Connaissant Philippe Martin, je n’ai pas été surpris. J’ai surtout été satisfait qu’il ait réussi à obtenir l’adhésion du gouvernement, plutôt frileux sur ces questions jusqu’à présent. Alors oui, je suis plutôt heureux du courage retrouvé par l’exécutif sur ce dossier.

F24 : Mais entre le rapport parlementaire et la décision du ministre de l’Écologie, on a du mal à savoir où se situe le pays sur la question du gaz de schiste…

F.-M.L.: Sur cette question comme sur d’autres on retrouve la ligne “hollandiste” qui est de réussir à faire plaisir à tout le monde dans la même phrase. Je crois que le gouvernement joue un jeu géopolitique particulier. Ils peuvent difficilement pousser l’Algérie à accepter de mener des recherches sur les techniques d’extraction de gaz de schiste, et affirmer dans le même temps, haut et fort, que la fracturation hydraulique est mauvaise. Mais ça n’empêche pas, je pense, le gouvernement à pousser les recherches sur les énergies renouvelables.