La sonde indienne, qui doit permettre à l’Inde de devenir le premier pays asiatique à réussir une mission sur Mars, a été lancée mardi avec succès. C’est l’aboutissement d’un programme, qui mise tout sur l’économie des moyens.
“Elle a décollé”. À 10h08 [heure de Paris], la télévision publique indienne s’est félicitée du lancement réussi de la fusée emportant une sonde vers Mars. À peine une heure plus tard, rebelote : l’agence spatiale indienne annonce le succès de la mise en orbite de l’aéronef autour de la terre.
Dans 300 jours, la mission "Mars Orbiter" devrait avoir atteint sa destination finale : la planète rouge. Sur place, la sonde, baptisée "Mangalyaan" [engin martien, en hindi] cherchera des traces de méthane, qui pourraient permettre de déterminer, si une forme de vie est possible sur cet astre.
Certes, la feuille de route de la fusée indienne peut paraître classique, mais pour le pays cette mission est primordiale à plus d’un titre. D’abord, en cas de succès, l’Inde pourra se targuer d’être la première nation asiatique à avoir réussi à mener une sonde jusqu’à Mars. Jusqu’à présent, seuls les États-Unis, l’Union européenne et la Russie y sont parvenus. Une manière de griller la politesse au Japon et à la Chine qui ont tous les deux échoués jusqu’à présent. Lors de sa dernière tentative, en novembre 2011, Pékin n’avait pas réussi à quitter l’atmosphère terrestre, et avait dû détruire sa sonde.
54 millions d’euros
Mais voler la vedette à la Chine ne serait qu’accessoire pour New Delhi. “Il est totalement faux de penser que l’Inde veut aller sur Mars avec une intention cynique de prendre la Chine de vitesse”, assure, dans le Washington Post, John Sheldon, un expert du Torridon Group, un cercle de réflexion américain spécialisé dans les questions spatiale.
Le véritable objectif de l’Inde serait de prouver qu’il est possible de faire aussi bien que les grandes puissances spatiales, avec beaucoup moins de moyens. L’une des spécificités, assumée par New Delhi, de "Mars Orbiter" est qu’il s’agit de la première mission low-cost de l’histoire de la conquête spatiale. Son budget, 54 millions d’euros, est une broutille comparée aux 504 millions de Maven, la mission martienne de la Nasa, qui doit décoller le 18 novembre.
Mais il n’y a pas que l’argent… Il y a aussi le temps. La mission indienne pour Mars a été lancée en grande pompe en août 2012 par Manmohan Singh, le Premier ministre. Il n’aura donc fallu que 18 mois au pays pour tout mettre en œuvre. Là encore, la Nasa a pris plus de cinq ans pour finaliser Maven.
Recycler et planifier
Mars Orbiter est donc, avant tout, une démonstration de l’”Indian way of tech”. Une manière d’aborder les choses qui transforme le low-cost en fierté nationale. L’Inde dispose même d’un terme pour qualifier cette approche : le "jugaad", qu’on peut grossièrement traduire par “système D”. Il s’agit, en fait, d’une manière de contourner les problèmes, afin de trouver des manières créatives de palier le manque de ressources. Le jugaad provient, à l’origine, du milieu rural indien, où il désigne des véhicules assemblés sur place pour fournir des moyens de transport peu onéreux.
Dans le cas de la mission martienne, les techniciens ont d’abord misé sur le recyclage. Ainsi, la fusée de lancement utilisée n’est que l’énième adaptation d’un modèle utilisé depuis les années 1990, qui a été perfectionné au fil des ans. L’organisation spatiale indienne ne travaille, en outre, que sur un modèle de vaisseau, alors que “ces homologues européennes ou américaines en construisent généralement trois”, rappelle le site économique indien “The Economic Times”.
Si Mars Observer a pu être prête à temps, c’est aussi grâce à une planification très stricte. “ISRO [l’agence spatiale indienne] est l’une des rares organisations publiques indiennes, où tout est régi par des délais très serrés”, affirme YS Rajan, un professeur honoraire de l’ISRO, interrogé par l’”Economic Times”.
C’est donc en adaptant une philosophie de vie née dans les milieux défavorisés indiens, que le pays se hissera, en cas de succès de sa mission martienne, au rang des grandes puissances spatiales.