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Nord-Kivu : "L'offensive de l'armée congolaise face au M23 n'est pas une surprise"

L’armée congolaise a infligé plusieurs revers aux rebelles du M23 dans l’est de la RDC. Mais il est trop tôt pour dire si cette avancée va se confirmer dans la durée, estime Thierry Vircoulon d'International Crisis Group.

Quatre jours de combats, quatre jours d’avancée des forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) dans la province riche et instable du Nord-Kivu, située dans l’est de la RDC. Après Kibumba, l'armée congolaise, épaulée par les casques bleus de l’ONU, a pris dimanche 27 octobre le contrôle de Kiwanja et Rutshuru, deux places fortes de la rébellion du M23. Les rebelles se sont retirés de ces zones, parfois sans combattre. Ils ne contrôlent plus que quelques centaines de kilomètres carrés limitrophes de l'Ouganda et du Rwanda.

Le M23 "quasiment" fini en tant que force militaire

Selon un responsable de l'ONU, les rebelles du M23 sont "quasiment" finis en tant que force militaire, selon des propos rapportés lundi par des diplomates.

"Presque toutes les positions du M23 ont été abandonnées hier", a déclaré le chef de la mission des Nations unies au Congo (Monusco), Martin Kobler, lors du Conseil de sécurité de l'ONU où il intervenait par vidéo-conférence: "Cela marque quasiment la fin militaire du M23".

Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en urgence lundi après-midi pour étudier la situation dans le pays.

Le M23 a demandé dimanche la cessation immédiate des hostilités et menacé de retirer ses délégués des pourparlers de paix de Kampala, en Ouganda, actuellement suspendus. Lundi, le ministre de la Défense de la RDC, Alexandre Luba Ntambo, a quant à lui appelé les rebelles du M23 à se rendre, affirmant que l'armée congolaise ne reculerait devant rien pour défendre le territoire national.

Cette situation inquiète la communauté internationale. L’envoyé spécial américain pour la région des Grands Lacs, Russell Feingold, a parlé lundi d’une "poudrière" qui menace de provoquer une guerre régionale. Paris appelle "les pays voisins à s'abstenir de tout soutien aux groupes armés" et "demande le désarmement et la démobilisation du M23".

Comment expliquer ce soudain revirement de situation après des mois de conflit ? Cette avancée des troupes congolaises est-elle décisive ? Éléments de réponse avec Thierry Vircoulon, directeur du programme Afrique centrale à International Crisis Group.

FRANCE 24 : Comment expliquer le recul des rebelles du M23 ? Ont-ils été "lâchés" par Kigali, accusé par l'ONU et Kinshasa de les soutenir militairement ?

Thierry Vircoulon : D’une part, l’armée congolaise a bénéficié de renforts en moyens et en hommes envoyés par Kinshasa. Ensuite, la contribution de la brigade d’intervention rapide de la Monusco, en soutien de l’armée congolaise, n’est pas négligeable. Le troisième facteur, c’est peut-être, je dis bien peut-être, une diminution de l’appui du Rwanda.

Tous les regards sont maintenant tournés vers Kigali. Soit Kigali lâche militairement le M23, alors le recul des rebelles sera net. Soit on revient au scénario de la fin du mois d’août, lorsque le Rwanda a apporté son soutien au M23 tout en se plaignant de la chute d’obus sur son sol.

Cette avancée de l’armée congolaise peut-elle être décisive et laisser entrevoir un retour de la paix au Nord-Kivu ?

Nous ne sommes qu’au début d’une offensive, il faudra attendre quelques jours avant de tirer les premières conclusions. Soit le M23 est défait militairement, soit il se réorganise – il en a les moyens – et peut renverser le rapport de force.

Pour le moment, Kinshasa veut une victoire militaire sur le terrain. On comprend sans peine pourquoi le M23 est l’ennemi numéro 1 du gouvernement congolais. C’est lui qui a pris Goma et défait l’armée congolaise [en novembre 2012]. Le M23 est vu comme le bras armé de Kigali mais c’est l’arbre qui cache la forêt : il y a une vingtaine de groupes armés dans l’est de la RDC.

La violence a repris le dessus sur le dialogue dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC. Que vont devenir les négociations de Kampala ?

Ce qui est clair, c’est que l’armée congolaise a fait une avancée sur le terrain. Rutshuru était véritablement une place forte du M23. Sur le plan stratégique, la zone contrôlée par le M23 se réduit considérablement. Le mouvement se retrouve maintenant acculé à la frontière rwandaise.

L’offensive de l’armée congolaise contre les rebelles du M23 n’est pas vraiment une surprise. Elle avait été annoncée il y a déjà plusieurs semaines. [Le président congolais] Joseph Kabila avait dit que si les pourparlers de paix échouaient à Kampala, les FARDC reprendraient leur offensive. Avant même d’avoir débuté, les négociations étaient déjà ensablées. Kampala est mort-né et vis-à-vis de son opinion publique, Joseph Kabila voulait une victoire militaire.