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Droit du sol : quand Copé braconne sur les terres du Front national

Le président de l'UMP a reçu une volée de bois vert en proposant mardi de réformer l'acquisition automatique de la nationalité française, en place depuis 1998.

C’est le serpent de mer de la droite. Près d’une semaine après l’expulsion de Léonarda, l’adolescente kosovare arrêtée en pleine sortie scolaire, le débat dérape sur la politique migratoire française. Le président de l’UMP, Jean-François Copé, a annoncé mardi 22 octobre le dépôt début 2014 d’une proposition de loi pour réformer le droit du sol, pierre angulaire du pacte républicain français.

"Quand on est né en France de parents étrangers en situation irrégulière, on n'a pas vocation à y rester et il n'est pas possible d'obtenir la nationalité française. Les enfants nés de parents étrangers en situation régulière ne peuvent pas obtenir la nationalité française de manière automatique. Ils doivent en faire la demande", a affirmé le président de l'UMP à l’AFP en appelant à la redéfinition de la politique d’immigration qui ne "fonctionne plus".

Aujourd’hui, en vertu de la loi Guigou du 16 mars 1998, tout enfant né en France de parents étrangers acquiert, de plein droit et de façon automatique, la nationalité française à ses 18 ans, s'il réside en France à cette date et s'il a eu sa résidence effective et habituelle pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de 11 ans.

En remettant en cause le droit du sol, le chef de file de l’opposition souhaite donc revenir à la loi Pasqua de 1993 sur l'acquisition de la nationalité. Le texte porté par Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur du gouvernement d’Edouard Balladur, prévoyait que la nationalité française d’un mineur né en France de parents étrangers en séjour régulier soit soumis à une "manifestation de volonté" à sa majorité.

Le "droit du sang", un leitmotiv à droite

Bien que Jean-François Copé se défende de vouloir remettre en cause le "droit du sol", le retour au "droit du sang" (l'enfant né d'au moins un parent français obtient automatiquement la nationalité française à sa naissance, quel que soit son lieu de naissance NDLR), est un leitmotiv à droite, en particulier à l’approche d’une échéance électorale.

À quelques mois des municipales de mars 2014, il n’en fallait pas plus pour enflammer les débats. Soutenu dans son propre camp par les fillonistes, Jean-François Copé a néanmoins reçu le timide soutien de Christian Jacob. Évoquant la volonté de se "donner du temps", le chef de file des députés UMP a annoncé la mise en place d’"un groupe de travail" qui sortira ses propositions dans cinq à six mois.

En revanche, Patrick Devedjian s’est posé en faux à la proposition de Jean-François Copé. "Non, ce n'est pas une bonne chose, comme ce n'est pas une bonne chose de placer le Front national dans tous les débats politiques. L'UMP doit d'abord se mettre au clair sur ses principes fondamentaux sans se préoccuper de l'attitude du FN ou du PS.

"Il ne faut pas modifier fondamentalement le droit du sol, qui est un acquis de la Révolution française, un fondement du Pacte républicain", a affirmé le président UMP du conseil général des Hauts-de-Seine dans une interview accordée au journal Le Figaro en date du 22 octobre.

Sur le reste de l’échiquier politique, les voix s’élèvent pour dénoncer une UMP qui chasse sur les terres du Front national. "Ce n'est pas la République", a tonné le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée. "L'UMP est dans une spirale totalement folle à vouloir mettre en œuvre des débats qui ne profitent qu'au Front national", a accusé le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux.

Aux yeux des députés socialistes de la Gauche forte, "cette remise en cause du droit du sol se trouve en totale contradiction avec la conception traditionnelle de la citoyenneté française (...) en tant qu'adhésion à la patrie, et non comme un patrimoine génétique".

Pour l’UDI, cette proposition est "une double erreur". "Le droit du sol est l'un de nos principes républicains", qui ne doit pas "subir des entailles au gré des échéances électorales". "On n'endigue pas le Front national en devenant le Front national", souligne Yves Jégo, délégué général de l'UDI, dans un communiqué.

"De l'enfumage à visée électoraliste"

Quant au Front national, il n’a pas manqué d’ironiser sur cette convergence des idées sur le code de la nationalité à quelques mois d’un rendez-vous électoral crucial pour le principal parti d’opposition, en perte de vitesse dans les sondages face au mouvement de Marine Le Pen. "L'annonce de Jean-François Copé relative au droit du sol relève, comme d'habitude à l'UMP, de l'enfumage à visée électoraliste, a ainsi écrit Florian Philippot vice-président du FN, dans un communiqué: "Au pouvoir entre 2002 et 2012, l'UMP a eu dix ans pour réformer le droit du sol ou pour le supprimer. Elle n'en a rien fait. Elle attend d'être dans l'opposition, et minoritaire, pour faire une timide proposition, ce qui démontre son manque flagrant de sincérité".