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Contrat EDF-Londres : la Chine sourit aussi

Les français EDF et Areva ont annoncé, lundi, un contrat de construction pour deux réacteurs EPR au Royaume-Uni. Mais derrière les "cocoricos", la Chine, également partie prenante, profitera aussi de ce chantier.

EDF se réjouit, Areva aussi. Le giga-contrat de 19 milliards d’euros, rendu public, lundi 21 octobre, pour la construction de deux générateurs nucléaires de troisième génération [EPR] à Hickley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre, fait l’affaire du nucléaire français. Mais il y a un troisième larron, qui peut s’estimer heureux : la Chine.

Deux groupes de l’ex-empire du Milieu, la CGN [China General Nuclear] et la CNNC [Compagnie nucléaire nationale chinoise], participeront à ce chantier. Et pas qu’un peu : ces deux spécialistes chinois de l’énergie atomique sont actionnaires à environ 35 % du projet. “C’est la première fois que des entreprises chinoises sont autant partie prenante d’un projet d’une telle importance en Europe, dans un domaine aussi sensible que l’énergie nucléaire”, confirme Jean-François Dufour, président de DCA Chine-Analyse, un cabinet d’analyse français spécialisé dans l’économie chinoise.

Ces deux groupes, publics à 100 %, ont sans conteste le savoir-faire pour travailler à la construction des deux réacteurs. “Depuis les années 1990, ils se partagent à parts égales le chantier du nucléaire en Chine”, rappelle Jean-François Dufour. Ce dernier souligne que ce sont les deux principaux poids lourds du secteur en Chine. Ils sont, en outre, déjà familiers avec les EPR, car ils sont associés à EDF et Areva pour la construction de deux centrales de ce type à Taishan [dans la province du Guangdong, au sud de la Chine]. C’est d’ailleurs là, que le premier réacteur EPR deviendra opérationnel en 2014, deux ans avant celui de Flamanville, et bien plus tôt qu’en Finlande, où la mise en route est prévue pour 2020.

Reconnaissance internationale

Mais pour Jean-François Dufour, c’est moins une question de compétence que de gros sous qui valût à la CGN et à la CNNC d’être associées au chantier de Hickley Point. “Je ne pense pas que Londres aurait accepté, avant la crise de 2008, de faire appel à la Chine pour un projet dans un secteur aussi sensible que le nucléaire, mais les autorités ont clairement indiqué que l’argent chinois était le bienvenu, et permettrait à Londres d’investir dans d’autres domaines comme l’éducation ou les hôpitaux”, explique cet expert.

Des considérations bassement matérialistes qui ne devraient guère gâcher le plaisir de Pékin. Car, si à court terme, les banques chinoises devront dépenser des milliards, les dividendes à long terme sont loin d’être négligeables. Il y aura certes des transferts de technologies, dont les Chinois sont friands, mais pas forcément ceux qu’on croit. "La CGN et la CNNC vont bien sûr apprendre quelque chose de la construction des centrales, mais ils vont surtout s’intéresser de très près à l’efficacité du réseau électrique britannique”, assure Jean-François Dufour, qui rappelle que la distribution de l’électricité est le principal point noir du réseau chinois.

Surtout, ce premier contrat à l’international est, pour ces entreprises, une sorte de sésame pour entrer dans la cour des grands. “Jusqu’à présent, les deux groupes ne pouvaient se prévaloir que de constructions en Chine, dorénavant lorsqu’ils voudront répondre à un appel d’offres international, ils pourront arguer qu’ils ont déjà l’expérience d’un chantier d’envergure, comme celui d’Hickley Point”, note Jean-François Dufour. Un argument qui pourrait prendre encore plus de poids lorsque ces deux groupes auront, d’après Jean-François Dufour, mis au point leur propre technologie de réacteurs nucléaires. Ce jour-là, ils ne seront alors peut-être plus partenaires d’EDF et Areva, mais concurrents.