
La proposition de François Hollande d'autoriser Leonarda à rentrer seule en France suscite de vives critiques au sein de la classe politique, jusque dans le propre camp du président. L'UMP évoque un "coup terrible à l'autorité de l'État".
Loin de faire taire les critiques, la proposition de François Hollande a provoqué un tollé général et ravivé la polémique. Le président a rompu samedi 19 novembre un long silence sur l'affaire Leonarda, offrant à la collégienne de rentrer en France sans sa famille expulsée au Kosovo, un jugement de Salomon censé calmer les esprits. L'expulsion de l’adolescente rom kosovare, le 9 octobre en pleine sortie scolaire, a
suscité en effet l'émoi en France et une forte mobilisation des lycéens.
"Si elle en fait la demande, compte tenu des circonstances (...) un accueil lui sera réservé (en France), et à elle seule", a tranché le chef de l'Etat, seul face à une caméra sous les ors de la Salle des fêtes de l'Elysée.
"Le geste du président est un geste de générosité pour Leonarda mais la famille ne reviendra pas", a martelé le ministre de l'Intérieur Manuel Valls dans une interview au "JDD".
Leonarda rejette l'offre présidentielle
La proposition présidentielle a été immédiatement repoussée par l'adolescente de 15 ans depuis le Kosovo. "Je n'irai pas seule en France, je n'abandonnerai pas ma famille", a répliqué Leonarda Dibrani, soulignant qu'elle n'était "pas la seule à devoir aller à l'école" parmi ses cinq frères et sœurs expulsés avec ses parents une dizaine de jours plus tôt.
Seconde annonce présidentielle : les arrestations d'enfants dans le cadre scolaire seront désormais "prohibées" quelles qu'en soient les circonstances, à l'intérieur ou hors des établissements. Manuel Valls a aussitôt adressé samedi soir aux préfets une circulaire en ce sens. Désormais, la "protection" du cadre scolaire "s'étend au temps périscolaire et aux activités organisées par les structures destinées à l'accueil collectif des mineurs", selon le texte de cette instruction transmis à l'AFP.
Mais la démonstr
ation d'ascendant présidentiel a été mise à mal par le premier secrétaire du Pari socialiste, Harlem Désir, en personne. "Tous les enfants de la famille de Leonarda (doivent pouvoir) finir leurs études en France accompagnés de leur mère", a-t-il déclaré. Le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui avait "exigé" la démission de Manuel Valls, a jugé d'une "cruauté abjecte" le fait de sommer une jeune collégienne de "choisir entre vivre en famille ou revenir seule en France poursuivre ses études".
Pour le président de l'UMP Jean-François Copé, François Hollande a porté "un coup terrible à l'autorité de l'Etat". De son côté, François Fillon a "regretté l'indécision caricaturale" du chef de l'État, qui "à force de chercher des synthèses apparaît ambigu face à l'immigration irrégulière et lâche par rapport à une adolescente condamnée à choisir entre la France et sa famille".
Décision "discrétionnaire" de l'Élysée
La décision "discrétionnaire" du président relève d'un "choix humanitaire", oppose-t-on à l'Elysée où l'on juge "extravagante" l'avalanche de critiques. Quant au silence prolongé du chef de l'État, il serait l'expression d'une "volonté de rester maître de son calendrier".
Autre argument avancé par la présidence : un retour de toute la famille en France reviendrait à "s'assoir sur les décisions de justice" qui ont autorisé son expulsion.
Ce nouveau couac de la majorité rappelle l'annonce du plan de "moralisation de la vie publique" après l'affaire Cahuzac, quand ces mesures solennellement annoncées par François Hollande depuis l'Élysée se sont heurtées aux critiques du président socialiste de l'Assemblée nationale Claude Bartolone.
Avec dépêches