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François Hollande : Leonarda autorisée à revenir en France, mais seule

Si Leonarda souhaite poursuivre sa scolarité en France et qu'elle en fait la demande, "un accueil lui sera réservé, à elle seule", a déclaré le président François Hollande. Une proposition qui suscite l'incompréhension dans la classe politique.

"Si elle en fait la demande, compte-tenu des circonstances, et qu'elle veut poursuivre sa scolarité en France, un accueil lui sera réservé." Lors d’une courte allocution télévisée, samedi 19 octobre, François Hollande a donné l’autorisation à Leonarda Dibrani de retourner à l’école en France, mais sans sa famille.

Depuis le Kosovo, la collégienne expulsée le 9 octobre avec ses proches a aussitôt réagi à la proposition du président, affirmant qu'elle n'acceptait pas de rentrer seule en France. "Je n'irai pas seule en France, je n'abandonnerai pas ma famille", a déclaré l’adolescente de 15 ans qui est née en Italie. Sur ses cinq frères et sœurs, quatre y sont également nés et la petite dernière, âgée de 17 mois, a, elle, vu le jour en France.

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Déclarations de François Hollande le 19 octobre
François Hollande : Leonarda autorisée à revenir en France, mais seule

“L’Élysée savait que Leonarda refuserait”

Les proches et les soutiens de la famille Dibrani ont rapidement fait part de leur déception. "Je suis triste. Ce n'est pas étonnant que Leonarda ne souhaite pas revenir seule. Toute seule, sans sa famille, elle irait où ?", s’insurge ainsi Léa Boillod, la meilleure amie de Leonarda. "Faire descendre un enfant d'un car scolaire pour le remettre à la police devant tous ses camarades, c'est inadmissible. Ils auraient au moins pu la laisser finir son année scolaire en France, avec sa famille, vu qu'elle était intégrée et que le dernier enfant est né ici", a renchéri son père, Philippe Boillod.

Pour Fabrice Riceputi, membre de Réseau éducation sans frontières (RESF) dans le Doubs, "l'Elysée savait évidemment que Leonarda refuserait. C'est de l'hypocrisie et du cynisme", a-t-il lancé. Jean-Jacques Boy, autre membre de RESF dans le Doubs qui a médiatisé l'expulsion de Leonarda, prévient qu'il continuera "la mobilisation pour demander le retour immédiat de l'ensemble de la famille Dibrani et l'arrêt des expulsions, qui ne pourra se faire que par la modification de la loi Besson, loi la plus scélérate faite en matière d'expulsion".

L'association La voix des Roms juge quant à elle la proposition de François Hollande “inhumaine, indécente et illégale”. Dans un communiqué, l’organisation cite la Convention internationale des droits de l'enfant, qui "reconnaît à chaque enfant le droit de grandir dans sa famille", et estime que "l'indécence des autorités va jusqu'à violer les règles du droit international que la France a ratifiées". L'association en appelle à la jeunesse - qui est la "seule à pouvoir rétablir l'honneur de ce pays" - pour "maintenir et renforcer" la mobilisation en faveur de la collégienne rom kosovare Leonarda Dibrani.
"Un signal dangereux"
Du côté de la classe politique, à gauche comme à droite, l’intervention du chef de l’État n’a pas non plus laissé de marbre. Le Parti de gauche dénonce la "cruauté abjecte" dont a fait preuve François Hollande. Le chef de l'État a commenté le rapport de l'Inspection générale de l'administration qui indique que l’expulsion de la famille est tout à fait légale. "Qu'on arrête de nous bassiner avec le respect de la loi. Il faut la changer cette loi, elle est l'héritage de Sarkozy ! On l'a battu dans les urnes pour cela", rétorque, dans un communiqué, Danielle Simonnet, secrétaire nationale du Parti de gauche, qui avait demandé la démission du ministre de l'Intérieur Manuel Valls après le début de la polémique.
À droite, le réactions fusent également. “L'école doit être préservée, la famille non ? Hollande un président qui fait honte”, a lâché Nadine Morano, ancienne ministre du gouvernement de François Fillon, via son compte Twitter. Pour le député UMP Eric Ciotti, "malheureusement, une nouvelle fois, François Hollande n'a pas su trancher entre toutes ces lignes politiques divergentes en matière d'immigration irrégulière. C'est un très dangereux signal adressé dans la lutte contre l'immigration irrégulière", estime-t-il.

l'école doit être préservée, la famille non ? Hollande un Président qui fait honte

— Nadine Morano (@nadine__morano) October 19, 2013
Au Front national, Florian Filippot juge qu’“une intervention solennelle du président de la République sur une telle affaire démontre le niveau d'effondrement de l'autorité publique”. Et le vice-président du FN d’ajouter : “Une bande kosovare qui menace et défie la France en direct sur nos télévisions : honte à nos dirigeants.”

Une bande kosovare qui menace et défie la France en direct sur nos télévisions : honte à nos dirigeants

— Florian Philippot (@f_philippot) October 19, 2013

Sanctuarisation de l'école

Dans la famille socialiste, Harlem Désir, le premier secrétaire du PS, souhaite, lui, "que tous les enfants de la famille de Leonarda puissent finir leurs études en France accompagnés de leur mère". "Je vais en discuter avec le président et le gouvernement", a-t-il précisé.
Le président d'honneur du MRC et sénateur Jean-Pierre Chevènement a choisi l'ironie pour commenter l'affaire : “Que l’on permette à Leonarda de suivre des cours dans une école française au Kosovo”, a-t-il tweeté.

Je propose qu'on permette à Leonarda de suivre des cours dans une école française au Kosovo @franceculture #livreJPC

— J-P. Chevènement (@chevenement) October 19, 2013
Au ministère de l’Éducation, on réagit également tout en évitant soigneusement de prendre position sur le sort de Leonarda. Vincent Peillon s’est ainsi contenté de commenter uniquement les nouvelles instructions données aux préfets par François Hollande "prohibant toute interpellation dans le cadre scolaire". "Je me réjouis que le président ait rappelé un principe essentiel à notre République, la sanctuarisation de l'école et la préservation des enfants dans le cadre scolaire, à la fois les établissements et tout ce qui accompagne la vie scolaire", a affirmé le ministre de l’Éducation dans une brève déclaration.
Selon lui, "ce principe ne doit souffrir aucune exception, et dans les circonstances que nous avons connues il était utile de le rappeler avec force". "L'Éducation nationale accueillera comme il se doit la jeune Leonarda, si elle veut rentrer, et assumera toutes ses obligations", a-t-il ajouté sans plus de précisions.
Avec dépêches