Un accord "historique" de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne a été signé vendredi. Mais il ne devrait pas pour autant faciliter les négociations actuellement en cours sur le même sujet entre l'UE et les États-Unis.
Prochaine étape, les États-Unis. Suite à la signature, vendredi 18 octobre, de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta), tous les regards sont tournés vers les États-Unis, avec lesquels les Vingt-huit sont en train de négocier le même type d'accord.
Pour beaucoup, ce document, le résultat de quatre ans de négociations, devrait faciliter les pourparlers, entamés en juillet 2013, entre les Européens et les Américains. Après tout, il s’agit d’accords de libre-échange avec deux pays du continent américain. Et puis “c’est la première fois que l’Union européenne réussit à conclure un tel accord avec un autre pays du G8, cela prouve au moins que c’est faisable”, souligne à FRANCE 24 Jim Rollo, un économiste spécialiste du commerce extérieure de l’Union européenne à l’Université de Sussex.
Pourtant, “Tous ceux qui pensent que le compromis trouvé avec le Canada facilitera la tâche pour les négociations se trompent”, assure, de son côté, Hosuk Lee-Makiyama, directeur de l’European Centre for International Political Economy (ECIPE), pour qui ces deux accords sont très différents.
“Dans le cas du Canada, c’était un accord de libre-échange plus ‘traditionnel’ qui concernait essentiellement des questions tarifaires et de secteurs à ouvrir à la concurrence”, note Hosuk Lee-Makiyama. “Mais avec les États-Unis, c’est d’une tout autre dimension”, ajoute-t-il. Il s’agit davantage de réussir à trouver des terrains d’entente réglementaires, une harmonisation des pratiques et des textes qui doit mettre en place le cadre des rapports commerciaux futurs. “L’accord qui doit être trouvé concerne bien plus la manière dont l’Europe et les États-Unis vont travailler ensemble à l’avenir”, résume Hosuk Lee-Makiyama.
Comme deux divas d’Hollywood obligées de partager la même chambre
Autre différence, les États-Unis sont un partenaire d’un autre calibre que le Canada. “Pour la première fois, deux zones, qui ont une puissance économique similaire, vont devoir trouver un terrain d’entente sur un grand nombre de points, c’est un peu comme si deux divas d’Hollywood, habituées à ce qu’on cède à tous leurs caprices, se retrouvent obligées de faire des compromis pour partager une même chambre”, note le directeur de l’ECIPE. Un défi d’autant plus difficile que dans un grand nombre de secteurs, comme par exemple celui des produits laitiers, les intérêts à vouloir défendre la production locale sont les mêmes des deux côtés de l’Atlantique.
Enfin, la portée d’un éventuel accord de libre-échange avec les États-Unis dépasse de loin celle du CETA (accord de libre-échange avec le Canada). “Si les deux zones réussissent à signer un quelconque compromis, les règles qui en découleront auront forcément valeur de nouveaux standards au niveau mondial, à même de rendre le travail de l’OMC inutile”, affirme Jim Rollo qui rappelle que “plus les enjeux sont élevés, plus les difficultés sont importantes”.
Dans ces conditions, un accord entre l’UE et les États-Unis “semble impossible à trouver, mais n’est pas impossible à atteindre”, affirme Hosuk Lee-Makiyama en guise de boutade. Pour franchir cet Everest de négociations, les deux parties vont devoir, d’après ces deux économistes, faire une chose à laquelle ils ne sont pas habitués : des concessions. C’est peut-être là que les négociations avec le Canada vont être d’une quelconque utilité : “Le meilleur service que les Canadiens ont pu rendre aux Européens, c’est d’avoir menacé de tout arrêter, en avril dernier”, rappelle Jim Rollo. Un durcissement de ton qui avait contraint l’UE à mettre de l’eau dans son vin. Une posture que les Vingt-huit risquent, d’après Jim Rollo, de devoir adopter plus d’une fois avec les États-Unis. Mais au moins auront-ils appris que la démarche peut déboucher sur un accord, salué comme bénéfique pour les deux parties.