Le commandant Shojaa al-Mahdi, directeur général des opérations de l’Autorité des garde-côtes au Yémen, explique à FRANCE 24 les méthodes utilisées par les pirates qui opèrent dans le golfe d'Aden.
FRANCE 24 : Comment les pirates qui opèrent au large de la Somalie ont-ils pu développer leur arsenal maritime ? D’où vient leur argent ?
Shojaa al-Mahdi, commandant des garde-côtes yéménites : Au milieu des années 90, les pirates, majoritairement somaliens, attaquent des bateaux de tourisme en utilisant des petites embarcations de pêche en bois. Ils demandent des rançons dérisoires, notamment des montres et de l’argent trouvé sur les bateaux. Par la suite, ils montrent plus d’ambition et ciblent des bateaux commerciaux. Les rançons deviennent plus importantes en fonction de la marchandise transportée.
Grâce à ces rançons, les pirates achètent des bateaux plus rapides et mieux équipés. Mais nous ne savons pas qui sont leurs fournisseurs. Il ne faut pas oublier que la Somalie possède plus de 3 025 kilomètres de côtes. Un territoire qui échappe totalement au contrôle d’un Etat totalement désintégré.
F24 : Comment les pirates manœuvrent-ils ?
Sh. al-Mahdi : Les pirates surveillent les navires grâce à leurs équipements sophistiqués. Dès qu’ils repèrent une cible, ils envoient deux à trois bateaux, qui entourent le navire. Ils tirent des coups de feu vers la cabine du commandant de bord. Généralement, les équipages de bateaux commerciaux ne possèdent pas d’armes.
Les grands et moyens navires commerciaux naviguent à vitesse réduite dans le golfe d’Aden car c’est une voie très chargée. La vitesse des pétroliers est limitée à 8-15 nœuds alors que les bateaux de pirates peuvent facilement atteindre les 40 nœuds selon leurs moteurs.
Les navires de taille moyenne ont une possibilité d'échapper aux pirates. Le capitaine peut changer fréquemment la direction de son bateau afin de créer des remous et déstabiliser les petits bateaux des assaillants. Mais c’est un acte risqué car les pirates peuvent tirer des missiles. En avril 2008, un navire japonais dont le capitaine a manœuvré afin d’échapper aux pirates a ainsi été heurté par un missile qui a troué une partie de sa coque, mais il a pu accoster au Yémen sans dommages importants.
Dans le cas du supertanker saoudien pris en otage le 15 novembre avec environ deux millions de barils de pétrole à son bord, le capitaine ne pouvait aucunement tenter de fuir car sa charge l’aurait exposé à de graves conséquences si par malheur les pirates avaient dû utiliser leurs armes.
F24 : L e Yémen forme avec la Somalie et Djibouti l’un des trois pays du pourtour du golfe d’Aden, qui relie la mer Rouge à l’océan Indien. Comment le Yémen participe-t-il à sécuriser cette voie très fréquentée ?
Sh. al-Mahdi : L’Autorité des garde-côtes yéménite ne date que de 2002 - après l’attaque du destroyer américain Cole et l’attaque contre le pétrolier français Limburg. Lorsque nous recevons un signal de secours d’un bateau attaqué, nous lui venons en aide s’il ne se trouve pas loin de nos côtes. Mais nous ne possédons pas encore d’infrastructures solides pour secourir des bateaux lointains.