François Hollande doit donner, d’ici la fin de l’année, l’identité des personnalités qu’il fera entrer au Panthéon. Il a souhaité y faire figurer des femmes, très minoritaires dans le temple républicain dédié aux grands Hommes.
"Aux grands hommes, la patrie reconnaissante", est-il inscrit sur la monumentale entrée du Panthéon. Les différents chefs d’État français, seuls habilités à faire entrer des personnalités dans ce temple républicain, ont pris l’inscription un peu trop au pied de la lettre : seules deux femmes y reposent, parmi 70 hommes. L’une d’elles est Marie Curie, deux fois lauréate du prix Nobel de physique, l’autre est Delphine Berthelot, dont la dépouille n’est présente dans les marbres du gigantesque bâtiment qu’en raison de sa volonté d’être enterrée aux côtés de son mari, le chimiste Marcellin Berthelot.
François Hollande avait annoncé, le 8 mars, Journée de la femme, son intention d’agir - un tant soit peu - pour la parité au sein du Panthéon. "Il est temps d’y accueillir des femmes", avait-il affirmé. C’est en passe d’être chose faite. Jeudi 10 octobre, le président du Centre des monuments historiques nationaux, Pierre Bélaval, a remis au président de la République une série de recommandations pour les prochaines nominations sous la coupole des "grands hommes".
"Combats universels"
Une seule indication lui avait été donnée par François Hollande : "rendre hommage à des femmes du XXe siècle incarnant un message fort d'engagement républicain". Dans son rapport, Pierre Bélaval a préconisé l’entrée de femmes, qui "après avoir montré pendant une, voire deux guerres, toute l'étendue de leur courage, ont également su tirer de ces expériences, souvent douloureuses – puisqu'elles ont pu être torturées ou déportées – les ressorts d'un nouvel engagement, en faveur de la paix, de la justice sociale ou encore du savoir[...]. Les femmes auxquelles nous suggérons de rendre hommage incarnent toutes des combats universels, et non exclusivement féministes."
Pierre Bélaval, lors de la remise de son rapport, n’a toutefois pas avancé de noms car "le choix appartient au président de la République", a-t-il expliqué. Pour autant, le président du Centre des monuments historiques, souhaitant "ouvrir le débat largement", a demandé aux internautes quelles personnalités ils souhaiteraient voir entrer au Panthéon. Plus de 30 000 personnes ont répondu, proposant quelque 2000 noms. Parmi eux, une grande partie de femmes. Quatre reviennent très régulièrement, dont deux n’ont pas ou peu vécu au XXe siècle, ce qui risque de compromettre leur éventuelle entrée au Panthéon, François Hollande souhaitant honorer des femmes du XXe siècle. Le chef de l’État se prononcera d’ici la fin de l’année sur son, ou ses choix.
Germaine Tillion (1907 – 2008) est une ethnologue et résistante française. En 1932, elle est envoyée en Algérie, où elle vit plusieurs années avec les Berbères dans le massif des Aurès (sud-est du pays). Cette expérience lui inspire son chef-d’œuvre "Le Harem et les cousins". De retour en métropole en mai 1940, après plusieurs allers-retours entre la France et l’Algérie, elle entre dans la résistance, dans le réseau du Musée de l’Homme. Elle est arrêtée en 1942 puis déportée. Elle survit au camp de concentration, et en tire un livre : "Ravensbrück". Quand éclate la guerre d’Algérie en 1954, elle devient l’une des militantes les plus actives contre la torture.
Lucie Aubrac (1912 – 2007) est une des grandes figures de la Résistance. Elle est l’une des fondatrices du mouvement de résistance "La dernière colonne". La résistante parvient, à quatre reprises, à faire évader son mari, Raymond, lors d’opérations rivalisant d’audaces. La dernière opération permet également de libérer Jean Moulin. Recherchée par la Gestapo, elle rejoint Londres en 1944, avant de rentrer en France après la libération. Elle représente le Mouvement de libération nationale à l’Assemblée consultative à Paris. Surnommée "Madame conscience" par Emmanuel d’Astier de la Vignerie, l’un de ses compagnons de résistance, elle est nommée membre du jury de la Haute Cour de justice au procès du maréchal Pétain en 1945. Elle garde son esprit militant jusqu’à la fin de ses jours, auprès, notamment, d’Amnesty International.
Olympe de Gouges (1748 – 1793), femme de lettre et femme politique, auteur de la "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne", est l’un des grands esprits humanistes et éclairés du XVIIIe siècle. Elle est connue pour son engagement en faveur des droits civils, particulièrement du droit des femmes. Elle milite également avec ardeur contre l’esclavage. Au début des années 1790, elle rédige de violents pamphlets contre Jean-Paul Marat et Maximilien de Robespierre, deux acteurs majeurs de la Terreur. Elle est arrêtée puis condamnée à mort. Elle meurt guillotinée.
Louise Michel (1830 – 1905) est une institutrice, militante féministe et anarchiste (c’est à elle que le mouvement doit son drapeau noir). Elle prend activement part à la Commune de Paris en 1871, ce qui lui vaut d’être déportée en Nouvelle-Calédonie, où elle prend la défense des Kanaks lors de leur révolte en 1878. Elle ne revient en métropole que neuf ans plus tard, et s’engage dans la défense des prolétaires. Elle est à plusieurs reprise condamnée à la prison pour, entre autres, l’organisation d’une violente manifestation en faveur des "sans-travail", et lors de sa présence aux côtés des mineurs de Decazeville, lors de la grande grève de 1886.