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Comment le FBI a remonté la piste du fondateur de "The Silk Road"

Les autorités américaines suspectent Ross William Ulbricht, arrêté mercredi, d’être “Dread Pirate Roberts”, le fondateur du site “The Silk Road”, fermé par le FBI. Pour parvenir à cette conclusion, les enquêteurs ont épluché minutieusement le Net.

C’est dans une bibliothèque de San Francisco, que l’histoire du controversé site de vente en ligne de drogues en tout genre “The Silk Road” a pris fin. Mardi 2 octobre, à 15h15 précises, raconte Ars Technica, le site américain spécialisé dans les nouvelles technologies, une équipe de “six à huit” agents du FBI débarque dans la section des livres de science-fiction, et arrête Ross William Ulbricht, un jeune Américain de 29 ans. Les autorités américaines le suspectent d’être le célèbre “Dread Pirate Roberts”, le surnom sur l’Internet, que s’est donné le fondateur de “The Silk Road”.

Réussir à faire fermer ce site créé en 2011, accusé par ses détracteurs de vendre toute sorte de substances illégales, et vanté par ses défenseurs comme étant l’un des rares espaces de liberté totale, n’était pas facile. Impossible d’accéder au site “The Silk Road” comme à celui, par example de FRANCE 24. Pour y parvenir il fallait passer par Tor, un réseau découplé de l’Internet, dit “traditionnel”. Il garantit un haut niveau d’anonymat, et attire, outre des criminels en tout genre, des dissidents et cyber-activistes, tentant d’échapper à des régimes autoritaires versés dans la cybersurveillance.

“Dread Pirate Roberts” s’y croyait donc à l’abri. Il a eu tort. Surtout à lire le dossier d’accusation monté contre lui. Ce sulfureux cyber-entrepreneur, qui aurait gagné 80 millions de dollars grâce à “The Silk Road”, a commis des erreurs de débutant pour qui veut rester dans l’ombre. Pour remonter la piste de Ross William Ulbricht, le FBI assure n’avoir eu besoin que de patience, et de recherches approfondies, dans les méandres des forums de discussion sur le Net.

Bête comme une simple adresse Gmail

Une traque qui en dit long sur les traces, que tout internaute laisse en ligne. Tout commence par un message laissé en janvier 2011 sur un forum spécialisé dans les champignons hallucinogènes. Un utilisateur, qui se fait appeler “Altoid”, y évoque un nouveau site de vente de drogues baptisé “Silk Road”, et fournit un lien pour s’y rendre. “Altoid” réapparaît sur un autre forum dédié à la monnaie décentralisée Bitcoin pour y vanter “The Silk Road”, où il est possible de payer avec cette devise électronique.

Ce cyber-promoteur du site commence donc à intéresser les enquêteurs. En fouillant davantage, ils bénéficient d’un coup de chance à même de donner un sérieux coup d’accélérateur à leurs recherches. Les agents du FBI découvrent un nouveau message d’octobre 2011 d’”Altoid” qui cherche à contacter un expert en Bitcoin. Cette fois-ci, il commet une erreur : il laisse une adresse Gmail : rossulbricht@gmail.com.

En demandant des informations à Google (propriétaire de la messagerie Gmail), les enquêteurs apprennent que Ross Ulbricht s’est connecté à son compte depuis un café Internet à San Francisco. Une information précieuse, car en parallèle, le FBI a réussi, en analysant la structure du site “The Silk Road”, à identifier une adresse IP (identifiant physique d’un ordinateur connecté à l’Internet). L'agence a ensuite pu la relier à un autre café Internet de San Francisco, proche de la maison d’une personne connue pour être un ami de Ross William Ulbricht.

Démasqué par l’école d’économie autrichienne ?

Le FBI commence alors la phase deux de son enquête, qui passe par les réseaux sociaux. Une analyse des profils publics sur Linkedin, Google + et YouTube, de celui qui était devenu un suspect, révèle une chose qui va se révéler importante : il aime l’économie, et notamment l’école de pensée autrichienne. Plusieurs vidéos présentes sur la chaîne YouTube, qu’il a créées, proviennent de la Ludwig Von Mises Institute, une faculté américaine, qui s’inspire de la pensée de l’économiste et libertarien autrichien éponyme. Coïncidence : c’est le même économiste que “Dread Pirate Roberts” cite sur les forums de “The Silk Road”, pour justifier son approche “libertarienne” de la vente de drogues en ligne.

En juin 2013, un autre coup de chance permet au FBI de resserrer encore un peu plus l’étau autour de Ross William Ulbricht, d’après le dossier d’accusation. Les douanes américaines interceptent alors un drôle de paquet qui contient plusieurs faux documents d’identité. Leur seul point commun : la photo est toujours celle de Ross Ulbricht. Ce serait grâce à cette prise, que les enquêteurs ont, d’après le site de la chaîne britannique BBC, réussi à retrouver tous les serveurs qui hébergent à travers le monde les données de “The Silk Road”, renforçant le lien entre le suspect et "Dread Pirate Roberts". Reste, comme le souligne Ars Technica, que le dossier d'accusation demeure très flou sur la manière, dont le FBI a utiliser ces faux documents pour remonter la piste des serveurs.

Un faisceau d’indices qui semblent, en effet, prouver que le jeune Américain de 29 ans, et “Dread Pirate Roberts” sont une seule et même personne. Demeure une interrogation : dans une interview accordée, sous couvert d’anonymat, à Forbes en août 2013, “Dread Pirate Roberts” affirmait n’être pas le créateur de “The Silk Road”. Il assurait alors que “Dread Pirate Roberts” n’était rien d’autre qu’une sorte de titre porté par tous les gérants successifs de cet immense “Amazon” de la drogue.