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À l’issue de quatre jours de crise politique en Italie, le Sénat a voté la confiance au gouvernement d’Enrico Letta, après une surprenante volte-face de Silvio Berlusconi. Le Cavaliere est apparu abattu, humilié après une fronde au sein de son parti.

Silvio Berlusconi humilié. La mine grave, les yeux rivés sur le sol, il se rassied sans un regard pour ses fidèles, puis, de ses deux mains, masque son visage. Le Cavaliere, par l’un des coups de théâtre dont il a le secret, vient de créer la stupeur dans le Sénat italien qui s’apprête à voter pour ou contre le gouvernement d’Enrico Letta.

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Enrico Letta : "Donnez-nous la confiance"

"Nous avons décidé, non sans débat interne, de voter la confiance", lâche l’ancien président du Conseil, qui souhaitait encore mardi faire chuter le gouvernement italien. Quelques instants plus tôt, le Premier ministre italien Enrico Letta a lancé un appel virulent à "préserver les Italiens d’une nouvelle crise politique". Le vote du Sénat sera sans appel : 235 sénateurs choisissent la confiance au gouvernement, contre seulement 70 qui s'y opposent.

La volte-face de Silvio Berlusconi sonne comme un aveu d’échec. Samedi, c’est pourtant lui qui avait de nouveau mené l’Italie au bord du marasme politique en ordonnant aux cinq ministres issus de son parti, le Peuple de la Liberté (PDL), de démissionner. Tous avaient obéi, non sans traîner des pieds.

Mais cette décision, prise sans concertation avec les instances dirigeantes de son parti, avait déclenché la colère de plusieurs membres PDL. Même Angelino Alfano, vice-président du Conseil forcé à la démission et considéré jusqu’alors comme le dauphin du Cavaliere, s’était rangé du côté des frondeurs, affirmant qu’il envisageait de devenir "berlusconien autrement".

"Érosion de son influence"

Le Cavaliere a bien tenté, lundi soir, de sonner la fin de la récréation et de faire rentrer les dissidents dans les rangs. En vain. Mercredi, à l’ouverture de la session sénatoriale en vue du vote de confiance au gouvernement, Angelino Alfano a commis l’ultime affront : au lieu de s’asseoir à côté de son (ex-) mentor, il a pris place à gauche d’Enrico Letta. Celui-là même dont Berlusconi souhaitait la chute.

"Silvio Berlusconi a tout simplement et grossièrement mal calculé sa capacité à influencer les membres de son parti, particulièrement les plus jeunes, analyse Marco Vincenzino, politologue spécialiste de l’Italie, sur l’antenne de FRANCE 24. Une nouvelle génération a émergé dans le monde politique italien. Beaucoup de membres du PDL ne veulent pas voir leurs décisions dictées par l’intérêt personnel de Silvio Berlusconi mais par l’intérêt national, surtout à un moment où la situation économique du pays est très critique".

En outre, précise le politologue, de nombreux jeunes politiciens mettent dans la balance l’avenir de leur carrière politique. "Berlusconi, au final, a réalisé qu’il avait plus à perdre en restant campé sur sa position qu’en opérant cette pirouette, poursuit Marco Vincenzino. Il l’a fait, mais non sans y laisser quelques plumes : il a perdu beaucoup de crédibilité en Italie, mais également à l’extérieur des frontières. C’est l’illustration d’un processus -lent mais continu et inexorable - d’érosion de son influence".

Résistance politique

Un nouveau coup de massue l’attend vendredi 11 octobre. Le Sénat doit se prononcer sur son exclusion et sur la déchéance de son immunité parlementaire, conformément à sa condamnation pour fraude fiscale à quatre ans de prison (commués en un an de travaux d’intérêt général ou d’assignation à domicile) et à une déchéance de ses activités publiques pendant un à trois ans. Cette mesure le mettrait à la merci de la justice italienne, alors que le Cavaliere traîne encore de nombreuses casseroles judiciaires : il est, entre autres, poursuivi pour prostitution de mineure et proxénétisme dans l’affaire du Rubygate.

Pour autant, les analystes, au fait de l’étonnante résistance politique de Silvio Berlusconi, se gardent bien de le donner politiquement mort. Car ce milliardaire à la tête d’un empire médiatique conserve toutefois une forte assise populaire. En février, son parti avait totalisé près de 30 % des suffrages aux élections législatives. Selon de récents sondages, la popularité des divers partis politiques a peu évolué depuis ce scrutin et ce, malgré la confirmation de sa condamnation pour fraude fiscale, en août dernier.

"Silvio Berlusconi a annoncé qu’il relançait Forza Italia, son parti d’origine, celui qu’il a construit il y a 20 ans, et qu’il en sera le leader même s’il n’est pas élu", rappelle Pierre Musso, professeur de sciences politiques à Rennes 2 et auteur de "Berlusconi : le nouveau prince". "Il risque ainsi de garder une grande influence sur la politique italienne. Tant qu’une force alternative n’émerge pas et que Berlusconi bénéficie d'une assise populaire aussi forte, il ne disparaîtra pas", estime le politologue.

Une conviction confirmée, cette semaine, dans les colonnes du journal italien Panorama, par le Cavaliere lui-même. En des mots, sonnant à la fois comme une menace et comme une prédiction, il a affirmé : "Je ne meure pas, même s’ils me tuent".