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"Renoir" aux Oscars, le choix de la France qui laisse pantois

Le Centre national du cinéma (CNC) a dévoilé, lundi, le film français sélectionné pour concourir aux Oscars dans la catégorie meilleur film étranger: "Renoir" de Gilles Bourdos. Un choix consensuel qui étonne plus d’un critique de cinéma.

"Renoir" aux Oscars. Le choix du Centre national du cinéma (CNC) d’envoyer le film de Gilles Bourdos sur la fin de vie du peintre Auguste Renoir fait jaser de nombreux critiques de cinéma, peu enthousiastes de voir un film consensuel et lisse représenter la France dans la sélection des films étrangers aux Oscars 2014.

Le film avait été sélectionné pour "Un Certain Regard" lors du Festival de Cannes 2012, mais n’avait pas alors créé de d’émotion particulière chez les cinéphiles. Lors de sa sortie sur les écrans français, en janvier dernier, la critique a applaudi mollement - à quelques exceptions près comme "Télérama". Les entrées en salle n’ont pas été négligeables - environ 500 000 spectateurs en France. Un succès d’estime sans être un phénomène.

Mais alors, faut-il croire ceux qui crient à l’erreur de casting ? Comment le comité de sélection du CNC, qui comporte des pointures comme Thierry Frémeaux, directeur délégué du Festival de Cannes, la comédienne Isabelle Adjani et le réalisateur Laurent Cantet, Palme d'or à Cannes en 2008 pour "Entre les murs", aurait-il pu se tromper ?

Le choix du CNC n’est pas dénué de sens pour peu qu’on change de perspective et qu’on se place de l’autre côté de l’Atlantique : aux États-Unis, "Renoir" a cumulé pas moins de 2,24 millions de dollars de recettes. C’est le troisième film en langue étrangère à dépasser ce chiffre en 2013, et de loin le plus gros succès français sur le territoire cette année. Le film de Gilles Bourdos, tout de lumières douces et de violons larmoyants (musique d’Alexandre Desplats), célébrant l’époque de l’art impressionniste, a de quoi séduire un comité de sélection américain qui n'aime rien tant que les reconstitutions historiques et consensuelles.

"La Vie d’Adèle" hors-course

Les autres films qui auraient pu tenter leur chance ? "La Vie d’Adèle" d’Abdellatif Kechiche, Palme d’or au dernier Festival de Cannes, était hors-circuit pour une raison de calendrier : il fallait que le film sorte sur les écrans français avant le 30 septembre… or il n’y sera que le 9 octobre. Ce film d’amour lesbien a peut-être ses chances aux Oscars, notamment dans la catégorie meilleure actrice, où le calendrier de sortie est plus lâche (31 décembre 2013). Encore faut-il que l’Académie des Oscars ose s’éprendre d'un film interdit aux moins de 17 ans aux États-Unis (aux moins de 12 ans en France).

"Le Passé" d'Asghar Farhadi, pour lequel Bérénice Béjo a décroché la Palme de la meilleure actrice au Festival de Cannes 2013, aurait également pu avoir ses chances. Il figurera certainement dans d’autres catégories que celui de meilleur film étranger - dans laquelle le cinéaste iranien a déjà triomphé pas plus tard qu’en 2012, avec "Une Séparation". Le film concourait alors… sous drapeau iranien.

Quant à "L’écume des jours" de Michel Gondry et "Grand central" de Rebecca Zlotowski, ils n’ont apparemment pas fait l’unanimité dans le comité du CNC.

Peu de critiques de cinéma s’attendent à ce que "Renoir" résiste à la rude compétition qui l’attend : plus de 80 pays présentent un film à l’Académie des Oscars, et seuls cinq films sont retenus dans la sélection finale pour la cérémonie du 2 mars 2014.

Face à "Renoir" concourent de grands favoris tels que "Wadjda" d'Haifaa Al Mansour (Arabie saoudite), "Les chevaux de Dieu" de Nabil Ayouch (Maroc), "The Rocket" de Kim Mordaunt (Australie), "Gloria" de Sebastian Lelio (Chili), "D’une vie à l’autre" de Georg Maas (Allemagne), "Ilo Ilo" d'Anthony Chen (Singapour)… et la liste n’est pas exhaustive puisque tous les pays n’ont pas encore dévoilé leur poulain.

Depuis "Indochine" de Régis Wargnier en 1993, aucun film français n’a reçu un Oscar du meilleur film étranger. "Est-Ouest" de Régis Wargnier (2000), "Le Goût des Autres" d’Agnès Jaoui (2001), "Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain" de Jean-Pierre Jeunet (2002), "Joyeux Noël" de Christian Carion (2006), "Entre les Murs" de Laurent Cantet (2009), "Un Prophète" de Jacques Audiard (2010) ont bien réussi à se hisser dans la "short list" finale… mais tous ont raté la dernière marche.