
Bénévoles, militants, défenseurs des droits de l'Homme... Ils étaient plusieurs milliers à manifester à Paris et en province pour dénoncer les objectifs chiffrés des interpellations pour "aide aux immigrés en situation irrégulière".
Des milliers de manifestants se sont réunis à Paris et dans plusieurs villes de province, ce mercredi 8 avril, pour protester contre la demande du président Nicolas Sarkozy de porter à 5 000 les interpellations en 2009 "pour des faits d’aide illicite à l’entrée et au séjour d’immigrés en situation irrégulière".
A Paris, c’est sous un ciel pluvieux que près de 2 000 manifestants (1 100 selon la police) se sont retrouvés place Saint-Michel à l’appel d’une vingtaine d’associations des droits de l’Homme, dont Emmaüs France, La Ligue des droits de l’Homme, la Cimade et le Réseau éducation sans frontière.
Des dizaines de manifestants ont pris la parole pour s'accuser de "délit de solidarité". Tous arboraient un autocollant proclamant : "Aidant(e), je suis prête à être poursuivi(e)!"
Ce thème est revenu au centre du débat public avec la sortie en mars du film "Welcome", de Philippe Lioret. Un maître-nageur de Calais y est poursuivi pour avoir aidé un immigré kurde irakien en situation irrégulière.
Objectifs chiffrés
En matière d’immigration clandestine, les objectifs chiffrés énoncés dans la loi de Finances 2009 passent mal auprès des manifestants. "Le gouvernement veut arrêter 5 500 ‘aidants’ en 2011. On a décidé de lui filer un coup de main : aujourd’hui il peut les arrêter tous d’un coup, avec deux années d’avance sur son objectif", lance un brin provocateur Teddy Roudaut, d’Emmaüs France.
A l’origine de la manifestation de mercredi, plusieurs interpellations récentes impliquant des responsables associatifs accusés "d’aide illicite à personnes en situation irrégulière". Le 16 février, par exemple, l’interpellation d’un sans-papier accueilli dans la communauté Emmaüs de Marseille Pointe-Rouge s’est transformée en opération policière pour rechercher des migrants clandestins sur le site. Le responsable de la communauté a été arrêté et placé en garde à vue. Autre incident : le 18 février, la police arrête chez elle une bénévole de Calais qui organise des collectes de vêtements et de nourriture pour les migrants et qui, de plus, recharge leurs portables.
"Après ces incidents, nous nous sommes aperçus que le terme ‘aidant’, utilisé dans l’article L 622-1 du Code de l’entrée
et du séjour des étrangers, n’est pas clairement défini, ce qui signifie que des citoyens ordinaires ou des militants peuvent être assimilés à des passeurs ou à des trafiquants de main-d’œuvre, encourant jusqu’à 5 ans de prison et 30 000 euros d’amende", explique Teddy Roudaut. Le collectif propose un projet de loi qui modifierait cet article de façon à distinguer ceux qui traitent avec les sans-papiers dans un but lucratif de ceux qui les aident dans un but humanitaire.
De son côté, le matin même de la manifestation, le ministre de l’Immigration Eric Besson a déclaré sur France Inter : "Le délit de solidarité n’existe pas, c’est un mythe", affirmant que les personnes visées par l’article L 622 sont "les personnes participant activement aux filières d’immigration clandestine" et non "tous ceux qui aident de bonne foi" un sans-papier.
Témoignages de solidarité
A la manifestation, tous racontent comment ils ont tendu la main à des personnes en situation irrégulière, se mettant parfois eux-mêmes dans l’illégalité. Une étudiante raconte qu’elle laisse les occupants d’un squat en face de chez elle, des sans-papiers tchéchènes, prendre des douches ou des repas chez elle en cas de besoin.
D’autres mettent leurs compétences de juristes ou de traducteurs au service de sans-papiers empêtrés dans l’imbroglio administratif français. Une élue du 15e arrondissement de Paris avoue même avoir ‘domicilié’ des sans-papiers à l’adresse postale de sa mère, pour faciliter certaines procédures. Les applaudissements redoublent d’intensité quand un sans-papiers d’origine malienne monte sur l’estrade pour remercier, ému, les participants de leur "solidarité".
"Ce qui est intolérable, c’est que les autorités tentent de nous empêcher de manifester notre humanité", fulmine Alain Bosc, président de la Cimade Ile-de-France, répétant le crédo du collectif : avant d’être des "sans-papiers", les immigrants en situation irrégulière sont avant tout des êtres humains, isolés et démunis. Pour le collectif, aider les sans-papiers est un devoir de citoyen, certainement pas un délit.