Une consultation a été lancée sur Internet pour demander aux Français quelle personnalité doit entrer, selon eux, au Panthéon. Le 8 mars, François Hollande, à qui revient le dernier mot, avait laissé entendre que sa préférence irait à une femme.
"Qui mériterait d’être prochainement honoré au Panthéon ? et Pourquoi." Du 2 au 22 septembre, les Français sont appelés à s’exprimer sur la prochaine personnalité qui pourrait rejoindre Jean Moulin, Louis Braille ou encore Victor Hugo dans la crypte du célèbre monument parisien situé dans le Ve arrondissement.
Engagement pour l’égalité ou en faveur de la paix, action politique, exploit sportif, découverte scientifique, défense de l’environnement ou encore talent artistique, cette consultation publique cherche également à établir quelle doit être, aux yeux des Français, la principale qualité des "panthéonisables". La grande majorité d’entre eux sont, actuellement, des figures politiques comme Léon Gambetta et Jean Jaurès, ou scientifiques comme Gaspard Monge et Marie Curie.
Si la décision sur l’identité du prochain élu relève uniquement de la présidence, "les résultats de cette consultation […] éclaireront les conclusions du rapport que je suis amené à rendre au président de la République et, sans doute, le moment venu, sa décision", explique Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux.
Deux femmes sur 71 personnalités
À l’occasion de leur rencontre avec le président des Centre des monuments nationaux le 6 septembre, plusieurs associations féministes (Osez le féminisme, les Féministes en Mouvement, la Coordination pour le lobby européen des femmes et La Barbe) ont dressé un top 5 des femmes devant être inscrites au Panthéon :
- Olympe de Gouges
- Dame Solitude
- Louise Michel
- Germaine Tillion
- Et Simone de Beauvoir
Ces personnalités ont été choisies par les internautes via une page Facebook intitulée : le Collectif pour des Femmes au Panthéon.
Sur la Toile, les premières spéculations font la part belle au marquis de La Fayette mais aussi au résistant Pierre Brossolette. Reste que, sur les 71 personnalités aujourd’hui présentes au Panthéon, seules deux sont des femmes, dont une, Sophie Berthelot, qui ne doit sa présence dans l’édifice qu’à son époux, le chimiste Marcellin Berthelot , voulant rester à ses côtés même après leur mort en 1907, également année de leur inhumation au Panthéon. La seconde distinguée n’est autre que Marie Curie, double Nobel de physique et de chimie, qui a fait son entrée en 1995, en même temps que son mari, Pierre.
Bien décidées à peser dans le débat, plusieurs associations féministes ont joint leurs forces pour former le Collectif pour les femmes au Panthéon. Ensemble, elles s’activent d’ores et déjà pour que la devise du monument "Aux grands hommes, la patrie reconnaissante" puisse désormais inclure davantage de femmes. Là encore, plusieurs noms circulent tels que Louise Michel, George Sand ou Lucie Aubrac. Fin août, une manifestation rassemblant une centaine de personnes a eu lieu devant l’édifice de la rue Soufflot.
Et leur appel semble avoir été entendu puisque le Collectif pour les femmes au Panthéon a obtenu un rendez-vous avec Philippe Bélaval, le 6 septembre, pour discuter des potentielles prétendantes.
Nicolas Sarkozy humilié en 2009
Autre nom féminin revenant souvent sur la Toile mais aussi dans la presse française et étrangère : Olympe de Gouges. Cette figure du XVIIIe siècle connue pour son engagement féministe pourrait recueillir les faveurs de François Hollande, estiment les associations. Le président, qui a fait de la parité un des grands combats de son quinquennat, avait également souligné, le 8 mars, à l’occasion de la journée de la Femme, sa volonté d’en honorer davantage notamment parmi celles qui ont joué un rôle dans l’Histoire de la France pré-révolutionnaire.
Mais si Olympe de Gouges remplit ces critères, elle était également le choix de Ségolène Royal qui, pendant sa campagne présidentielle, avait promis qu’en cas de victoire, elle la ferait transférer au Panthéon. François Hollande risque donc de vouloir affirmer un choix différent de l’ancienne candidate. D’autant que la nomination d’une personnalité au Panthéon est toujours hautement symbolique.
Le discours, en 1964, d’André Malraux, alors ministre de la Culture du général de Gaulle, pour accueillir les cendres de Jean Moulin a particulièrement marqué les mémoires. François Mitterrand, lui, s’est illustré en faisant entrer Jean Monnet en 1988 mais aussi et surtout Marie Curie en 1995, première femme a y accéder pour ses propres travaux. En 2002, Jacques Chirac fait, pour sa part, transférer les cendres de l’écrivain aux origines afro-antillaise Alexandre Dumas, au moment où l’opinion publique se montre de plus en plus gênée par le fait qu’un seul homme noir, Félix Éboué, soit honoré au Panthéon.
Discours hommage d'André Malraux à Jean Moulin
Puis lorsqu’en 2009, Nicolas Sarkozy propose Albert Camus, la famille de l’écrivain s’y oppose. Le camouflet infligé à l’ancien président fait prendre conscience de l’importance du geste et de sa portée politique.
Outil politique "arbitraire"
À tel point qu’aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dénoncer un outil de communication politique bien loin des valeurs républicaines et traditionnelles qu’inspirait cet acte par le passé. "Après avoir été un outil pour gérer les relations interethniques, la France veut faire du Panthéon un outil pour gérer les questions de parité !", s’insurge Christopher Caldwell, éditorialiste américain pour le "Financial Times".
Pour lui, il est aussi incongru d’intégrer Olympe de Gouges que la mulâtresse, dame Solitude, comme certains le proposent. Car au-delà des questions de parité, d’autres ont tout autant leur place, selon lui. C’est le cas de Denis Diderot ou encore de Jeanne d’Arc, qui, bien qu’étant de sexe féminin, incarne aujourd’hui des valeurs plus empruntées à droite que par les socialistes.
"Si vous n’êtes pas capables de nommer une personne qui représente l’excellence aux yeux de tous, c’est probable que votre notion d’excellence est floue et arbitraire. Le Panthéon a été construit, à l’époque, pour offrir une alternative républicaine aux idées de l’Église […] mais il ne s’apparente aujourd’hui plus qu’à une tradition illogique et dénuée de sens", conclut Christopher Caldwell.