Une alliance inédite place la France en première ligne aux côtés des États-Unis, dans une possible intervention militaire contre le régime syrien, que les Occidentaux accusent d'avoir utilisé des armes chimiques contre des civils.
La France monte en première ligne aux côtés des États-Unis pour aller "punir " Bachar al-Assad. Le président François Hollande a réaffirmé vendredi sa volonté d'agir contre le régime syrien en dépit du forfait britannique, après le camouflet infligé par la Chambre des communes au Premier ministre David Cameron.
Un "no british" qui ne change pas la donne pour la France. "Chaque pays est souverain pour participer ou non à une opération. Cela vaut pour le Royaume-Uni comme pour la France", a fait valoir le président français dans un entretien au journal "Le Monde". Vendredi en fin d'après-midi, François Hollande s'est entretenu pendant 45 minutes avec Barack Obama au sujet de la crise syrienne. Les deux chefs d’État disposent d'une "fenêtre"de tir de quelques jours pour d'éventuelles frappes aériennes avant le sommet du G20 jeudi en Russie.
Allié inédit et improbable
La France se retrouve ainsi propulsée dans la position inédite et improbable de l’unique allié européen des États-Unis. En 2003, les relations entre Paris et Washington étaient au plus bas à cause de l’opposition ferme de la France à l'intervention américano-britannique en Irak. Ironie de l’histoire, Barack Obama aussi était contre la guerre en Irak. À l’époque, le numéro deux du Pentagone Paul Wolfowitz avait alors déclaré que la France devait "payer un prix" pour cette prise de position. Si depuis, les deux pays ont certes participé ensemble à certaines opérations, comme récemment encore en Libye, c’était toujours en présence des Britanniques.
"Cette alliance est très surprenante, notamment par rapport à ce qui s’était passé en 2003. Les médias et les responsables américains parlent désormais de la France comme l’allié historique des États-Unis, le premier même depuis l’époque de la révolution américaine", précise à FRANCE 24 Walid Phares, conseiller auprès du Congrès américain.
Près de deux Français sur trois (64 %) sont opposés à une intervention militaire en Syrie d'une coalition internationale incluant la France, selon un sondage BVA pour i-Télé-CQFD et Le Parisien-Aujourd'hui en France publié samedi.
D'après la même enquête, réalisée jeudi et vendredi, 58 % des Français ne font pas confiance au président François Hollande pour mener cette possible action militaire de la France, contre 40% d'un avis contraire, 2 % ne se prononcent pas.
À la question de savoir s'ils approuvent ou non "une intervention militaire d'une coalition militaire en Syrie composée notamment de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis contre les forces de Bachar al-Assad" (l'enquête a commencé avant le "non" du Parlement britannique jeudi soir, ndlr), 64 % des sondés répondent par la négative - 30 % "plutôt pas favorable" et 34 % "pas du tout favorable"--. Seuls 34 % approuvent (8 % "tout à fait favorable" et 26 % "plutôt favorable"), tandis que 2 % ne se prononcent pas.
Vendredi, dans une déclaration solennelle, le chef de la diplomatie américaine John Kerry a loué les Français, "nos plus anciens alliés", qui comme "beaucoup d'amis se tiennent prêts à répondre" aux côtés de "l'Amérique (qui) n'est pas seule pour agir" contre Damas. Il a bien pris soin de citer le gouvernement français qui a accusé la Syrie "d'avoir perpétré un acte abominable, d'avoir de manière scandaleuse utilisé des armes chimiques que le monde a interdit ces 90 dernières années dans toutes les conventions internationales".
"Les États-Unis n'ont besoin de personne sur le plan militaire"
"Les États-Unis n'ont besoin de personne sur le plan militaire, mais il est extrêmement important pour eux de ne pas être seuls sur le plan politique", souligne Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique, interrogé par l’AFP.
Toutefois, d’un point de vue militaire, les analystes estiment que l’apport de l'armée française est non négligeable. "Pour le moment il s’agit d’une coalition formée de deux pays, et sur le plan tactique les militaires français et américains n’ont pas fait beaucoup de missions ensemble, mais quand ce fût le cas, les Français ont été très performants", explique à FRANCE 24 Cristopher Harmer, de l’Institut d’études de la guerre, basé à Washington.
Reste à savoir quel sera l'engagement concret de l’armée française et quels moyens elle mettra à disposition des États-Unis. Une source française proche du dossier, citée par l’AFP, reconnaît que la non participation des Britanniques "obligera" la France, qui a la capacité de tirer des missiles de croisière avec des avions de chasse ou des sous-marins, "à repenser sa planification opérationnelle".
Avec dépêches.