, envoyé spécial à Venise – La Mostra de Venise est dominée cette année par les cinéastes américains et britanniques, qui ont concentré leur art sur le crime, la guerre, la politique et le sexe. Tour d’horizon de la compétition.
Si Cannes est le roi des festivals de cinéma - impérieux, protocolaire et enclin au favoritisme -, la Mostra de Venise colle plutôt au rôle du prince : plus aventureux, moins influent mais tout aussi royal. Jusqu’au 7 septembre, soit une semaine avant le Festival de Toronto, Venise propose de nombreux films d’auteurs de renommée internationale et des longs-métrages en avant-première qui ne manqueront pas de figurer dans les coups de cœur des critiques de cinéma et pourquoi pas sur la liste des favoris aux Oscars.
La compétition proposée à Venise cette année se distingue nettement de la sélection de films mastodontes et majoritairement français vus à Cannes. Le festival italien est davantage tourné vers le cinéma anglo-saxon : y figurent cinq cinéastes américains, notamment le chouchou du cinéma indépendant outre-atlantique Kelly Reichardt, le documentariste Errol Morris et le surprenant James Franco ; mais aussi trois réalisateurs britanniques, dont Stephen Frears et Terry Gilliam ; et enfin, un film australien signé John Curran, avec pour casting Adam Driver, nouvel acteur culte depuis la série "Girls".
Quand Cannes se concentrait sur l’amour, le sexe et la famille, Venise propose une vision du monde plus politique : des films sur l’assassinat de Kennedy, le conflit israélo-palestinien, la crise économique, la guerre en Irak, la Seconde Guerre mondiale et le terrorisme écologique.
James Franco, Zac Efron… et Donald Rumsfeld ?
Les Américains conviés à Venise sont loin d’être issus du même moule cinématographique et ne figuraient pas non plus sur la liste de poids-lourds (les frères Coen, Soderbergh, etc.) conviés à Cannes. Ils représentent plutôt un panel de talents prometteurs qui osent prendre des sentiers de traverse.
La cinéaste Kelly Reichardt présentera ainsi “Night Moves”, avec Jesse Eisenberg, Dakota Fanning et Peter Sarsgaard, en écolo-terroristes qui complotent un attentat contre une usine hydro-électrique. Par le passé, Reichardt avait déjà proposé “Old Joy” (2006) et “Wendy et Lucy” (2008), deux films à petit budget mais visuellement précis et généreux émotionnellement, avant de signer un long-métrage moins convaincant en 2010, "La dernière piste" (Meek’s Cutoff).
David Gordon Green concourt pour le Lion d’Or avec “Joe”, dans lequel Nicolas Cage incarne un ancien tôlard qui noue une amitié avec un adolescent. David Gordon Green avait commencé sa carrière avec des films indépendants, lyriques et oniriques, tournés dans le Sud des États-Unis, comme “George Washington” (2000) et “All the Real Girls” (2003), avant de verser dans la veine grossièrement commerciale avec "Baby-sitter malgré lui" (The Sitter, 2012). Il avait trouvé une voie intermédiaire avec "Prince Avalanche", sorti l’été dernier aux États-Unis. Il sera intéressant de voir où David Gordon Green puise à présent son inspiration, et si Nicolas Cage a trouvé un rôle à sa mesure.
Quant à Errol Morris, l’auteur d’un portrait passionnant de l’ancien ministre de la Défense Robert McNamara (“The Fog of War”, 2003), il est compétition avec "The Unknown Known", un documentaire sur un autre pensionnaire du Pentagone, Donald Rumsfeld.
La politique américaine a également été choisie par Peter Landesman pour défendre son premier long-métrage, "Parkland", qui narre les jours qui ont suivi l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy à Dallas en 1963. L’acteur Zac Efron y joue un jeune docteur de garde lorsqu’un coup de fil le prévient de la mort du président américain. Il aura là l’occasion de prouver que sa performance remarquée dans "The Paperboy" de Lee Daniel – en compétition à Cannes en 2012 – n’était pas un coup de bluff.
Mais peut-être que le film américain le plus attendu à Venise est celui de James Franco, "Child of God", qui s’inspire du roman de Cormac McCarthy au sujet d’un nécrophile compulsif dans le Tennessee des années 1960. La dernière fois que James Franco s’était attaqué à la littérature, pas plus tard qu’en mai dernier à Cannes, il avait laissé les fans de William Faulkner sur leur faim ("As I Lay Dying").
Le grand retour du cinéma britannique
Les nombreux cinéastes américains ne doivent pas occulter la vraie nouveauté de cette année : la forte présence de réalisateurs britanniques. La direction de la Mostra, en présentant les films en compétition, a même jugé que "le cinéma britannique ne nous a pas toujours habitué à des films aussi intéressants".
En tête de liste, deux réalisateurs bien connus du public mais au parcours imprévisible : Stephen Frears et Terry Giliam. Le premier vient à Venise avec "Philomena", l’histoire d’une femme qui recherche un fils qu’elle a abandonné, et le second propose "The Zero Theorem", une farce futuriste sur un génie de l’informatique, un chef mystérieux et la femme qu’il aime, avec un casting de luxe : Christoph Waltz, Matt Damon et Mélanie Thierry.
Le troisième film britannique risque de faire saliver plus d’un festivalier : une science-fiction intitulée "Under the Skin", signée Jonathan Glazer et portant à l’écran Scarlett Johansson dans des habits d’extra-terrestre. Les critiques de cinéma ont souvent été injustes avec Jonathan Glazer, tombant en pâmoison devant son film de gangster, certes alerte et bien dirigé, "Sexy Beast" (2000), mais snobant son film à suspense et à l’atmosphère envoûtante, "Birth" (2004) avec Nicole Kidman.
Un autre cinéma anglophone vient d'Australie : John Curran, qui a déjà quelques films solides au compteur, notamment une adaptation du roman de W. Somerset Maugham, “Le voile des illusions" ("The Painted Veil") en 2006. L’attrait pour son nouveau film, "Tracks", provient surtout de son casting : Mia Wasikowska, jeune égérie de Tim Burton ("Alice au pays des merveilles", 2010) et de Gus Van Sant ("Restless", 2011), et Adam Driver, qui a fait un malheur dans la série "Girls" et s’est illustré dernièrement dans "Frances Ha" de Noah Baumbach.
Le cinéma français, quant à lui, n’a droit qu’à un seul représentant : Philippe Garrel qui met en scène dans "La Jalousie" son fils, Louis Garrel, dans un imbroglio amoureux.
Autre figure du septième art francophone : le jeune prodige québécois Xavier Dolan, qui avait décoiffé Cannes l’an passé avec son épique "Laurence Anyways". Il vient à Venise avec "Tom à la ferme", l’histoire d’un jeune homosexuel qui se rend aux funérailles de son amant, et qui découvre que personne, dans la famille du défunt, ne connaissait la vraie vie de son amoureux.
Également en compétition, des grands noms tels que l’Israélien Amos Gitai, le Japonais Hayao Miyazaki, le Taïwanais Ming-Liang Tsai et l’Italien Gianni Amelio.
En attendant le début de la course au Lion d’Or, le festival s’est ouvert mercredi soir sur un film du Mexicain Alfonso Cuaron, "Gravity", avec Sandra Bullock et George Clooney en astronautes embarqués dans une mission spatiale qui tourne horriblement mal et met les nerfs en pelote. Un film qui a toutes les chances d’être sélectionné aux Oscars. De quoi bien commencer le festival.