
Dans une note adressée au président François Hollande et rendue publique par "Le Monde", le ministre de l'Intérieur Manuel Valls se montre extrêmement critique envers le projet de réforme pénale de la ministre de la Justice Christiane Taubira.
La tension entre le ministre de l’Intérieur Manuel Valls et la garde des Sceaux Christiane Taubira a éclaté au grand jour, mardi 13 août, après qu’une note très critique de Manuel Valls sur le projet de réforme pénale de la ministre de la Justice a été rendue publique par le journal "Le Monde".
Dans cette note datée du 25 juillet, Manuel Valls demande l’arbitrage du président de la République François Hollande sur un dossier "politiquement sensible" à moins d’un an des élections municipales. "J'attire votre attention sur les désaccords mis en lumière par le travail interministériel (...) autour du projet de réforme pénale présenté par le ministère de la Justice", écrit ainsi le ministre, qui juge que "l'écart entre nos analyses demeure trop important et appelle une clarification de nos orientations politiques".
Critiques sur la forme et sur le fond
Le texte de la Chancellerie vise notamment à limiter le recours à la prison, entre autres, par l'introduction d'une "peine de probation". Manuel Valls critique l'élaboration du texte, transmis le 12 juillet seulement à ses services, assurant qu'il ne dispose que d'un "socle de légitimité fragile". Il est vrai que les conclusions de la "conférence de consensus" qui l'avait précédé avaient déclenché un tollé chez les syndicats de policiers et l'opposition de droite, qui dénonce régulièrement un "laxisme" de Christiane Taubira.
Mais le ministre de l'Intérieur tacle aussi le fond du projet de loi, notamment l'automaticité de certaines réductions ou aménagements de peine, et assure ne pouvoir partager le "postulat" que "la surpopulation carcérale s'expliquerait exclusivement par le recours par défaut à l'emprisonnement et par l'effet des peines planchers". Il juge même que l'on ne peut "totalement ignorer la question du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire", en clair l'éventuelle construction de nouvelles prisons.
Matignon veut calmer le jeu
Interrogé par l'AFP, l'entourage du ministre de l'Intérieur a indiqué que ce "courrier" n'avait pas "vocation à être publié". Mais il a souligné qu'il n'y avait "rien d'étonnant à ce que l'Intérieur exprime et ait sa ligne" dans le cadre des "travaux préparatoires" au projet de loi. Selon "Le Monde", la garde des Sceaux s'est de son côté dite "surprise" que son collègue ne l'ait pas informée de cette missive.
Face à cette joute en place publique, Matignon a tenu à relativiser, parlant d'une "phase normale d'échanges préalables aux arbitrages". "Qu'il y ait des divergences d'appréciation entre les ministres de la Justice et de l'Intérieur, cela n'est pas anormal. Le processus de préparation de la loi pénale est en cours et se poursuit", ont ainsi déclaré à l'AFP les services du Premier ministre, précisant que Jean-Marc Ayrault avait "eu Manuel Valls au téléphone et aura la garde des Sceaux en ligne cet après-midi".
Les deux ministres avaient jusque là pris grand soin d'éviter la traditionnelle rivalité police-justice, même si Manuel Valls avait fait entendre sa différence la semaine dernière, lors d'une nouvelle polémique sur des "libérations" de délinquants.
Avec dépêches