
Des membres du Parti pirate russe tentent d’importer de Suède le kopimisme, une religion qui promeut la copie d’œuvres matérielles et immatérielles, pour s’opposer à l’application d’une récente loi anti-piratage.
La religion peut-elle sauver les internautes russes du grand méchant “Big Brother” du Kremlin ? La question peut paraître saugrenue mais des activistes du parti pirate russe y croient. Ils ont décidé, lundi 5 août, de fonder une religion pour tenter de faire barrage à une nouvelle loi russe très controversée sur la lutte contre le piratage. Promulguée la semaine dernière, elle oblige les fournisseurs d'accès à l'Internet (FAI) à bloquer l'accès à des sites accusés de favoriser la copie de films ou séries TV protégés par des droits d'auteur.
Des membres du Parti pirate, qui milite pour une libre circulation de l’information sur l’Internet, ont déposé les statuts pour ouvrir dans cinq villes russes - Moscou, Saint-Petersbourg, Nijni Novgorod, Kazan et Khabarovsk - des églises du culte de Kopimi (un dérivé de l’expression anglaise "copy me" - "copiez-moi"). Une religion dont le principe fondateur est le droit de reproduire toute œuvre, matérielle ou numérique.
Ces nouveaux convertis n’ont pas sorti le kopimisme de leur chapeau : l’"Église missionnaire du kopimisme" est un mouvement religieux reconnu en Suède depuis décembre 2011. Ses membres peuvent même marier entre eux des adeptes de cette foi 2.0. En janvier 2013, le terme “kopimisme” est d'ailleurs officiellement entré dans le langage commun suédois.
En tant que fidèles de cette nouvelle foi, les internautes russes pourraient brandir une loi du 30 juin 2013 qui interdit "toute offense aux croyances religieuses dans un lieu de culte". Ce qui serait, d'après eux, le cas de la toute nouvelle loi contre le piratage de films ou séries télévisées.
Loi liberticide
Malheureusement pour les internautes russes, les voix du seigneur kopimiste sont plus impénétrables en Russie qu’en Suède. D’abord, les demandes de création de lieux de culte ont été formulées par des membres du Parti pirate, un mouvement non reconnu par les autorités russes qui l’accusent de soutenir ouvertement le piratage informatique, rappelle la télévision russe d’information en continu, Russia Today. En outre, la loi impose un délai de 15 ans pour qu’une nouvelle croyance fasse officiellement son entrée au panthéon des religions, à condition de compter au moins 10 membres.
La démarche pseudo-spirituelle du Parti pirate russe n’a donc que très peu de chances de bloquer l’application de la nouvelle loi anti-piratage. Il s'agit, en revanche, d'un bon moyen pour continuer à faire parler du mouvement d’opposition à cette législation, accusée d’être liberticide. Des géants du Net tels que Google ou Wikipédia avaient émis des réserves sur ce texte en juillet dernier, et 1 700 sites russes ont fermés pendant un jour, le 1er août, en signe de protestation.
Les détracteurs de cette loi soulignent qu’il suffit qu’un ayant droit d’un film ou d’une série télévisée dénonce un site censé favoriser le piratage pour que le FAI soit obligé d’en bloquer l’accès. Un simple mail à l’autorité russe de régulation du web suffit. L’ayant droit dispose ensuite d'un mois pour déposer une plainte officielle, sans quoi le blocage est levé. Une législation qui, d’après les critiques, ouvre la porte à des dénonciations abusives par des sites trop contents de pouvoir évincer un concurrent, ce serait-ce que temporairement.