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Les athlètes allemands aussi dopés à l'Ouest qu'à l'Est dans les années 70

Un système de dopage systématique a été mis en place pour les sportifs d'Allemagne de l'Ouest dans les années 1970, affirment des chercheurs allemands. Selon leur étude, ces pratiques auraient été encouragées par les autorités de l'époque.

Le vaste programme de dopage des athlètes en l’Allemagne de l’Est est connu depuis la chute du mur de Berlin et l’ouverture des archives de la RDA. Aujourd’hui, c’est au tour de l’Allemagne de l’Ouest de se trouver dans le collimateur des chercheurs. Un rapport universitaire confidentiel, daté de 2012 mais dont les conclusions ont été rendues publiques samedi 3 août par un journal allemand, jette en effet une ombre sur les performances des sportifs ouest-allemands.

"Substances encourageant la performance"

L'enquête du journal Süddeutsche Zeitung : "les nouveaux détails du dopage en Allemagne" [article en allemand].

Selon le quotidien bavarois "Suddeutsche Zeitung", des chercheurs de l’Université Humboldt de Berlin ont démontré, dans un document de 800 pages, que la RFA avait, à l’instar de sa voisine de l’Est, mis en place une politique de dopage systématique dans les années 70 avec la création de l’Institut fédéral pour la recherche sportive (BISp).

Selon ce rapport daté de 2012 mais encore confidentiel, le BISp, placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, "regroupait les élites de l’approche scientifique du sport et des fédérations sportives" et a coordonné pendant "des dizaines d’années une vaste campagne de tests sur des substances encourageant la performance" comme les stéroïdes, la testostérone, les œstrogènes ou encore l’EPO.

Des pratiques anciennes

Les chercheurs affirment cependant que le dopage existait déjà bien avant la création de cet institut. Les amphétamines, utilisées par les soldats allemands durant la Seconde Guerre mondiale, étaient aussi monnaie courante dans l’équipe de football nationale à la fin des années 40. Plusieurs membres de la sélection lors de la victoire de la Mannshaft en Coupe du monde en 1954 auraient également reçu des injections de méthamphétamine. Autre exemple : historiens ont trouvé des documents prouvant la présence d’éphédrine avait été détectée dans les analyses de trois joueurs allemands lors de la finale du Mondial 1966, perdue contre l’Angleterre.

Ce dopage organisé s’est ensuite poursuivi à plus grande échelle notamment en vue des Jeux olympiques de Munich en 1972 et de Montréal en 1976. Lors de ces derniers, les athlètes d’Allemagne de l’Ouest auraient reçu environ 1 200 injections de la fameuse piqûre Kolbe, un mélange médicamenteux, baptisé en l’honneur du rameur Peter-Michael Kolbe, cinq fois champion du monde.

Le soutien des autorités ?

Ce rapport met donc en lumière une page sombre de l’histoire du sport ouest-allemand. Mais surtout, il soutien le fait que les autorités étaient impliquées dans ce système : ce dopage organisé aurait été mené grâce à un financement public estimé à environ 10 millions d’euros.

D’après un témoin cité par les chercheurs, le ministre de l’Intérieur aurait ainsi déclaré à l’époque : "Nos athlètes doivent bénéficier des mêmes conditions de préparation que celles dont disposent les athlètes de l’Est".

Ces révélations suscitent de vives critiques au sein de la scène politique allemande et notamment de l’opposition. Le porte-parole du groupe parlementaire des sociaux démocrates (SPD), Thomas Yperman accuse le ministre de l’Intérieur Hans-Peter Friedrich d’avoir voulu cacher ces informations en ne publiant pas le rapport, pourtant commandé par le BISp lui-même, institut toujours sous tutelle de son ministère.

Le ministère de l’Intérieur a répondu que ce document sera bientôt rendu public pour entamer une discussion détaillée dans les sphères politique et sportive. Une réunion extraordinaire de la Commission du Bundestag en charge des questions sportives est également envisagée.