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Réseau putschiste Ergenekon : perpétuité pour l'ex-général Ilker Basbug

L'ancien-chef de l'armée turque, le général Ilker Basbug, a été condamné lundi à la réclusion à perpétuité. Il était jugé avec 274 autres prévenus dans le procès Ergenekon, pour avoir fomenté une tentative de putsch contre le gouvernement Erdogan.

La justice turque a rendu, lundi 5 août, son verdict dans l'affaire du réseau putschiste Ergenekon, premier d'une longue série de procès controversés visant depuis cinq ans à déjouer des complots supposés contre le gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan.

Le général Ilker Basbug, ancien chef d’état-major de l’armée entre 2008 et 2010, a été condamné à perpétuité pour son implication dans ce présumé complot destiné à renverser le gouvernement. L'ancien chef de la première armée, Hursit Tolon, figure aussi parmi les condamnés pour "tentative de renversement de l'ordre constitutionnel par la force", selon les attendus du tribunal de Silivri, près d'Istanbul.

Les juges turcs ont par ailleurs condamné trois parlementaires d’opposition à des peines allant de 12 à 35 ans de prison. Vingt-et-un des 275 prévenus ont pour leur part été acquittés en fin de matinée par le tribunal de Silivri, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest d'Istanbul.

Le réseau Ergenekon, du nom d'une vallée mythique d'Asie centrale d'où serait issu le peuple turc, est accusé d'avoir tenté de favoriser un coup d'État militaire contre le Premier ministre Erdogan, un ancien islamiste au pouvoir depuis 2002, en semant le chaos dans le pays par des attentats et des opérations de propagande. Le réseau a été mis au jour en juin 2007 lors d'une opération antiterroriste dans un bidonville d'Istanbul. Des armes et des explosifs avaient été découverts, première étape d'une longue enquête qui a conduit à la rédaction de 23 actes d'accusation successifs finalement réunis dans un même procès.

Parmi les 275 prévenus se trouvent des généraux, des journalistes et des chefs de la pègre. Ils sont écroués depuis 2007 et jugés depuis octobre 2008 dans le cadre de ce procès dénoncé par l'opposition laïque comme une chasse aux sorcières visant à faire taire les critiques contre le gouvernement. Deux prévenus, Mustafa Balbay et Mehmet Haberal, ont été élus pendant leur détention députés du principal parti d'opposition (CHP, pro-laïcité) en 2011, et sont toujours emprisonnés.

Lourdes peines


L'acte d'accusation prévoyait de lourdes peines contre les putschistes présumés, dont la prison à vie pour 64 d'entre eux, devant répondre du crime de "tentative de renversement de l'ordre constitutionnel par la force". L'armée, qui pendant des décennies s'est voulue la gardienne des valeurs laïques de la République turque, a renversé trois gouvernements élus depuis 1960 et forcé un gouvernement pro-islamiste à la démission en 1997.

Plusieurs autres procès contre des groupes de conspirateurs supposés ont par ailleurs été ouverts après Ergenekon, comme Kafes (la cage), complot qui prévoyait selon l'acte d'accusation des attentats contre des membres des minorités chrétiennes, où encore Balyoz (masse de forgeron), ciblant spécifiquement l'armée. Premier procès à atteindre un verdict, Balyoz a surpris par la sévérité des peines prononcées : les juges ont condamné en septembre près de 300 officiers à des peines de 16 à 20 ans de prison, portant un coup sévère au prestige de l'armée turque.

Témoignages anonymes

Pour certains observateurs libéraux ou proches de la mouvance islamo-conservatrice au pouvoir, Ergenekon et les autres procès contre des complots s'inscrivent dans les efforts du gouvernement pour limiter les intrusions de l'armée dans la vie publique et instaurer l'État de droit.

Mais pour les défenseurs de l'héritage politique de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne et laïque, et pour certains militants des droits de l'Homme, ces procès sont surtout un montage visant à écarter du champ politique les opposants pro-laïcité. Ces critiques remettent notamment en cause la validité des preuves apportées et le recours à des témoignages anonymes.

Avec dépêches