Quelque 6,4 millions d'électeurs zimbabwéens sont appelés aux urnes ce mercredi pour une élection présidentielle déjà entachée de soupçons de fraude en faveur du président sortant Robert Mugabe, au pouvoir sans discontinuer depuis 33 ans.
Il se dit sûr de sa réélection. Avant même que les bureaux de vote n’ouvrent leurs portes à quelque 6,4 millions d'électeurs zimbabwéens mercredi 31 juillet pour des élections générales : scrutins présidentiel, législatif et municipal, le président sortant, Robert Mugabe, au pouvoir sans discontinuer depuis 33 ans, se disait déjà sûr de sa victoire.
Il faut dire qu’en dépit d’un bilan économique et social plutôt désastreux ces dernières années, le plus vieux chef d'État du monde reste populaire auprès d’une grande partie de la population : les ruraux et les personnes âgées notamment.
Face à lui, l’opposition représentée par son rival historique et Premier ministre Morgan Tsvangirai, incarne le changement. Ce dernier a promis d'envoyer Mugabe, à la retraite. Pourtant, aucune enquête d'opinion n'apparaît suffisamment fiable pour dire si cette promesse est de nature à se réaliser, les deux rivaux apparaissant être au coude à coude.
À la veille du scrutin, Robert Mugabe, dont les précédentes élections ont été marquées par des violences et des tricheries, a voulu jouer les bons élèves de la démocratie, en promettant en direct à la télévision de respecter le résultat quel qu'il soit. Une promesse mise à l’épreuve avant même le début du scrutin : Morgan Tsvangirai dénonçant déjà des fraudes dans les listes électorales, publiées à moins de 24 heures du vote.
"Beaucoup de noms en double sur les listes"
"Nous avons vu beaucoup de noms en double sur la liste, où vous voyez que des gens sont inscrits deux fois, même date de naissance, même adresse physique, mais avec une légère différence dans leur numéro d'identification", a expliqué Jameson Timba membre du MDC (parti de Tsvangirai). "Et ce à travers tout le pays", a-t-il ajouté.
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Ce dernier a remis une liste des noms d'électeurs fantômes aux observateurs de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) censés juger de l'honnêteté du vote, avec les observateurs de l'Union africaine. Leur avis sera décisif pour apporter une validité démocratique au résultat, Mugabe ayant interdit l'entrée dans le pays aux observateurs de l'Union européenne.
Interrogé mardi sur ces soupçons de fraude, Mugabe s'est offusqué lors d'un point presse en direct à la télévision publique de telles accusations : "Jamais. Nous ne faisons pas des choses pareilles. Nous n'avons pas triché. Ce n'est pas la première fois que nous votons".
Mais deux jours plus tôt, sur le ton menaçant dont il use plus volontiers, il avait promis de "faire arrêter" son Premier ministre si ce dernier s'avisait de divulguer les résultats avant la proclamation officielle, prévue cinq jours après le vote.
L'UE notamment attend les conclusions de la SADC pour éventuellement normaliser ses relations avec Mugabe, persona non grata en Europe depuis 2002 en raison d'atteintes graves et répétées aux droits de l'homme.
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Mardi, Washington a exprimé sa crainte de fraudes éventuelles. "Les États-Unis et nos partenaires internationaux continuent à appeler à des élections pacifiques, transparentes et crédibles", a déclaré la porte-parole du département d'Etat, Jen Psaki.
Une cohabitation contre nature
Lors de la dernière présidentielle en 2008, Tsvangirai avait pris l'avantage avec 47% des voix au premier tour, contre 43% à Robert Mugabe. Les partisans du président avaient alors déchaîné la violence dans le pays, faisant près de 200 morts.
Pour éviter la guerre civile et mettre fin aux violences, Tsvangirai avait retiré sa candidature, laissant Mugabe seul en lice pour le second tour. Sous la pression de la communauté internationale, il avait même accepté en 2009 une cohabitation contre nature avec Robert Mugabe.
Ce scrutin est maintenant censé les départager. Mais son caractère démocratique est discuté depuis que Robert Mugabe a décidé unilatéralement, le 13 juin, de fixer la date de l'élection au 31 juillet. Cette annonce a paru précipitée à l'opposition, qui espérait voir voter avant les élections un certain nombre de réformes qui auraient notamment permis de limiter la mainmise du clan Mugabe sur les médias d'État et sur les forces de sécurité, armée et police, réputées très partisanes.
Le chef de l'Etat est accusé par plusieurs ONG de défense des droits de l'homme d'avoir savamment créé un climat d'intimidation et découragé les voix dissidentes par le harcèlement policier. Le MDC note également qu'un collaborateur de M. Tsvangirai a été arrêté ce week-end, ainsi qu'un permanent MDC, Freddy Dziwande lundi à Chimanimani (est). L'opposition redoute aussi une grève du zèle dans les bureaux de vote de Harare, là où l'électorat est plus favorable au changement.
Avec dépêches