L’indice Big Mac, qui compare depuis 1986 le prix du célèbre burger dans 58 pays, vient d’être mis à jour par le quotidien britannique "The Economist". Certains estiment que cette dernière étude illustre la perte de compétitivité française.
Un nouveau coup de poignard vient d’être porté à la compétitivité française. Cette fois-ci, le coupable n'est pas une étude à rallonge avec force chiffres compliqués à l’appui, mais un simple Big Mac.
D’après la fournée estivale de l’indice Big Mac du quotidien britannique "The Economist", publié la semaine dernière, le prix moyen en France du burger star de la chaîne de restauration rapide McDonald’s (3,66 euros) est l’un des plus élevés au monde. En Europe, seul un Finlandais paie davantage (4,25 euros). En Grèce, ce sandwich coûte 33% de moins que dans l’Hexagone.
Est-ce grave docteur ? Peut-être : le Big Mac a été choisi en 1986 par "The Economist" car il représenterait, d’après le quotidien, un formidable outil de comparaison du pouvoir d’achat et de la compétitivité. Ce sandwich a, en effet, un caractère universel : il est conçu de la même manière partout dans le monde, en utilisant les mêmes ingrédients (à l’exception de l’Inde). Qu’il soit plus cher en France qu’en Chine ou même qu'en Grèce peut se comprendre : le coût de la main d’œuvre est loin d’être le même. Mais qu’il coûte davantage qu’en Allemagne peut étonner. Le "think tank" économique français “l’institut Bruegel” et le quotidien le "Figaro" soulignent, vendredi 19 juillet, que ces données sont la preuve du décrochage de compétitivité en France dû à des salaires trop élevés dans l'Hexagone.
Spécificité française
Pas si vite. “Réduire la question de la compétitivité d’un pays à une comparaison des salaires est un peu court en terme de réflexion économique”, s’amuse Benjamin Carton, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII). D’autres facteurs, comme les dépenses en recherche et développement ou les incitations fiscales entrent également en ligne de compte.
Même en se bornant au secteur de la restauration rapide, les économistes dénoncent l’exercice qui consiste à tirer des conclusions hâtives de l’indice Big Mac. Ce n’est, en effet, pas parce que les matières premières sont les mêmes, que leur prix est identique partout. “Les intermédiaires de la filière viande peuvent se faire des marges plus importantes en France qu’en Allemagne, ce qui peut contribuer à la différence de prix”, explique Christophe Blot, directeur adjoint du département analyses et prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Quid des taxes ? “Une hausse de la TVA dans la restauration rapide [attendue pour janvier 2014, NDLR] peut avoir entraîné une hausse des prix préventive”, souligne, pour sa part, Benjamin Carton.
En outre, l’indice Big Mac se marie mal avec la spécificité du marché français. C’est le plus important d’Europe pour McDonald’s, qui y règne en maître quasi-incontesté. “L’absence de vraie concurrence lui permet de pratiquer des prix plus élevés que dans d’autres pays”, rappelle Benjamin Carton.
À cause de ces bémols cet économiste en conclut qu’”utiliser l’indice Big Mac pour comparer la compétitivité, c’est faire tellement de raccourcis qu’on ouvre la porte à bien des erreurs”. En l’occurrence, rappelle Christophe Blot, la perte de compétitivité française “est bel et bien une réalité, mais il existe des indicateurs plus sérieux et instructifs pour l’analyser”. L’indicateur de "The Economist" est au final, d’après eux, un indice “fast food” : facile à digérer, mais qui laisse un peu sur sa faim.