L'opposant cambodgien Sam Rainsy, exilé en France pour échapper à onze années de prison, a été gracié par le roi sur demande du Premier ministre. Interdit de participation aux prochaines élections, il entend pourtant peser sur le scrutin.
Sam Rainsy, chef de l'opposition cambodgienne en exil, a été gracié vendredi. La grâce a été demandée au roi par le Premier ministre, Hun Sen, "dans un esprit de réconciliation", a précisé un responsable gouvernemental sous couvert de l'anonymat.
“Un homme libre”
Le chef du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) vit actuellement en France pour échapper à onze années de prison résultant de trois condamnations, que ses partisans estiment être politiques.
Celui qui est considéré comme le plus important adversaire du Premier ministre Hun Sen
est désormais "un homme libre", a déclaré le porte-parole du gouvernement Phay Siphan. "Il est le bienvenu à la maison et il peut rentrer n'importe quand".
Une invitation immédiatement acceptée par l'intéressé. Sam Rainsy avait écrit au roi en juin pour demander sa grâce et il a annoncé à l'AFP son retour "dans les prochains jours". "C'est une petite victoire pour la démocratie que le leader de l'opposition soit autorisé à être dans le pays pendant la campagne électorale et le jour des élections", a déclaré l’exilé depuis la France. "Beaucoup reste à faire", a toutefois ajouté l'opposant.
Sam Rainsy privé de scrutin
Dans sa lettre au roi, que l'AFP a pu consulter, Hun Sen, l'homme fort du Cambodge au pouvoir depuis 1985, a plaidé pour cette grâce afin de permettre aux élections d'avoir lieu "selon des principes démocratiques".
L’opposant a aussitôt annoncé son retour avant la fin de la campagne électorale fin juillet. Après 28 ans au pouvoir, le Premier ministre est déjà annoncé gagnant de ces élections. Et la commission électorale a d’ores et déjà fait savoir qu’il serait interdit à Sam Rainsy de participer au scrutin.
Washington sceptique sur le déroulement "démocratique" des élections
Les États-Unis avaient récemment émis des doutes sur l'équité du processus électoral sans la participation effective de Rainsy. Des élus américains ont menacé cette semaine de geler leurs aides si ces élections n'étaient pas justes et libres. L'opposition de son côté dénonce la mainmise du clan Hun Sen sur tous les organes du pouvoir et le système de corruption généralisée.
Si les partis de l'opposition sont effectivement autorisés à faire campagne, les observateurs doutent effectivement qu'ils aient la moindre chance d'évincer Hun Sen, qui avait remporté 90 des 123 sièges de l'Assemblée nationale en 2008, sur fond d'accusations de fraude.
Dans l'espoir malgré tout de faire tomber le Premier ministre en place, Sam Rainsy s'est allié l'an dernier à un autre opposant, Kem Sokha, pour créer le CNRP. La campagne électorale a été officiellement lancée le 27 juin mais avait de facto commencé plusieurs semaines auparavant avec un durcissement marqué des discours de part et d'autre.
Il y a quelques semaines, Hun Sen n'avait ainsi pas hésité à brandir le risque d'un nouveau plongeon dans la guerre civile en cas de victoire de l'opposition. Car Sam Rainsy a promis de poursuivre des ministres qu'il accuse d'être impliqués dans les atrocités du régime khmer rouge, qui a fait 2 millions de morts entre 1975 et 1979.
Avec dépêches