Alors que le Conseil français du culte musulman (CFCM) a fixé le début du ramadan à ce mardi, la commission théologique de la Mosquée de Paris l'a annoncé, de son côté, pour mercredi. Une indécision qui sème le trouble chez les fidèles.
"La décision du CFCM a semé la confusion", dénonce vivement Hassen Farsadou, président de l’Union des associations musulmanes de la Seine-Saint-Denis (UAM 93). Son organisation a appelé, lundi 8 juillet au soir, les musulmans de sa région, et plus largement de France, à observer le traditionnel jeûne à partir du mercredi 10 juillet et non du mardi 9 comme préconisé par le Conseil français du culte musulman (CFCM).
L’appel de l'UAM 93 a été lancé en concertation avec le Conseil des imams de France. "La décision a été prise de ne commencer que demain mercredi", martèle Hassen Farsadou. "De très nombreuses mosquées en France ont pris la même décision", assure-t-il. Selon des sites d’informations de sensibilité musulmane, comme Al-Kanz ou Saphirnews, plus de 131 mosquées françaises, dont la Grande mosquée de Paris, se sont désolidarisées de la date annoncée par le CFCM.
Désaveu du CFCM
Mardi midi, c’est la commission théologique de la Mosquée de Paris qui a finalement tranché, désavouant le CFCM, dont le président, Dalil Boubakeur, est également le recteur de la Mosquée de Paris. Le premier jour du jeûne est fixé à mercredi, "la vision de la nouvelle lune s'étant avérée impossible à établir ni en France ni dans les pays musulmans" dans la nuit de lundi à mardi, explique l'instance dans un communiqué.
À l’origine de cette controverse inhabituelle, la décision, début mai, du CFCM de changer le mode de détermination de la date de début du ramadan. L’instance qui représente les musulmans de France, le CFCM, a pour la première fois cette année abandonné la tradition d’observation de la lune en faveur d’un calcul astronomique permettant de déterminer scientifiquement la date de début du jeûne. Un changement de méthode empreint de modernité qui, dès son annonce, a suscité de nombreuses critiques. Nul ne savait en effet si les fidèles accepteraient de se conformer à une date obtenue grâce à un calcul et non plus selon la méthode traditionnelle.
"Les mosquées nous ont appelés hier [lundi] jusqu'à 1 heures du matin, les imams étaient dans le désarroi", a indiqué à l'AFP Djelloul Seddiki, responsable de la commission théologique de la Mosquée de Paris. Selon lui, les instances dirigeantes du CFCM "se sont trompées de calcul".
Faisant fi des inquiétudes des fidèles ainsi que de la décision de l'Arabie saoudite et de la majorité des pays musulmans, le CFCM a maintenu sa position lundi soir. Selon Dalil Boubakeur, la décision du CFCM fut notamment prise afin de permettre aux musulmans de mieux s’organiser. Rare dans les pays musulmans, la méthode de calcul est toutefois utilisée en Turquie. Pas de quoi convaincre Hassan Farsadou : "depuis plusieurs dizaines d’années, on détermine la date en attendant que le premier pays musulman puisse observer la lune. C’est la tradition coranique, pourquoi y déroger ?"
À quel minaret se vouer ?
De leur côté, les fidèles ne savent plus à quel minaret se vouer. "On n'a jamais connu une telle situation de confusion", déplore Nadia, une jeune pratiquante d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). "Il y a deux mosquées à Aulnay, explique-t-elle. Et celle où je vais suit la date du CFCM."
"C’est ridicule, dans ma famille, on ne débute pas le ramadan en même temps : mes parents, et la plupart de mes frères et sœurs, commencent demain pour suivre la grande majorité du monde arabo-musulman, mais moi, j’ai fait le choix de suivre les instances qui sont censées nous représenter et j’ai déjà commencé le jeûne". Et d'ajouter, inquiète : "Ce qui m’ennuie, c’est que je suis persuadée que le calcul du CFCM est faux et je ne suis pas la seule à le croire".
"Vu la confusion, on a préféré s’aligner sur notre pays d’origine, le Maroc, où le ramadan commence demain", explique pour sa part Khadija, qui réside elle aussi en région parisienne.
"L’essentiel, c’est de jeûner un mois"
Pour Tariq Oubrou, imam de la mosquée de Bordeaux et auteur du livre "Un imam en colère", "il ne faut pas accorder trop d’importance à cette polémique." Lui a choisi le mardi 9 juillet. "Mais de toutes façons, ici, on s’était déjà dit qu’on adopterait la méthode de calcul, même si le CFCM ne le faisait pas".
"La science est un moyen que l’on peut utiliser pour nous informer de la naissance du croissant lunaire. Les Turcs, bien plus modernes que les Arabes en matière de religion, l’ont adoptée depuis longtemps", poursuit l’imam, qui rappelle que les horaires de prière varient d’une mosquée à l’autre. "Si on tolère des disparités sur les heures de prière, pourquoi s’offusquer d’un désaccord sur la date du début du ramadan ? s’indigne-t-il. L’essentiel est bien de jeûner un mois."
Et le religieux de conclure : "le CFCM n’est pas représentatif de tous les musulmans de France, mais uniquement des mosquées qui ont participé à son élection. Libre donc à chaque mosquée de suivre la date de son choix."