Un ex-cadre de la banque suisse Reyl & Cie et témoin dans l'enquête sur l'affaire Cahuzac assure avoir remis à la justice française une liste d'une quinzaine de noms de personnalités françaises détenant un compte en Suisse.
Pierre Condamin-Gerbier, ex-cadre de l'établissement financier suisse Reyl et Cie, témoin dans l'enquête sur l'affaire Cahuzac, a déclaré mercredi avoir transmis mardi à la justice française des informations concernant les personnalités ayant détenu un compte en Suisse.
"La liste et les éléments d'information dont j'ai fait état dans les médias depuis quelques semaines ont été transmis hier, dans leur grande majorité, à la justice française", a-t-il dit mercredi devant la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac.
"En 20 ans d'expérience, j'ai été le témoin direct ou indirect d'un certain nombre de dossiers - j'aime peu la terminologie de liste car s'il s'agit de sortir une feuille A4 avec 15 noms dessus cela ne vaut que le papier sur lequel c'est imprimé", a-t-il précisé plus tard au cours de l'audition.
"Il s'agit de dossiers techniques et vu la sensibilité de certains des noms inclus, les praticiens ont fait preuve d'une volonté d'obscurité importante et donc l'écheveau pour les enquêteurs est très complexe. Il a donc fallu faire un travail qui continue de mise en relation, de consolidation, de liens de ces informations pour qu'elles soient exploitables par la justice", a déclaré M. Condamin-Gerbier.
Une source proche de l'enquête a confirmé que le responsable financier n'avait pas, à proprement parler, transmis une liste de noms de détenteurs de comptes aux juges d'instruction chargés de l'enquête qui l'ont entendu mardi.
M. Condamin-Gerbier avait affirmé en juin devant des sénateurs disposer d'une liste "d'une quinzaine" de noms d'ex-ministres ou d'actuels ministres détenteurs d'un compte en Suisse, estimant que Jérôme Cahuzac n'était qu'un "fusible".
Une information judiciaire a été ouverte fin mai pour "blanchiment de fraude fiscale" visant l'établissement Reyl, à la suite des déclarations de M. Condamin-Gerbier, entendu comme témoin dans l'enquête sur l'affaire Cahuzac et ayant fait état de contribuables français ayant des comptes en Suisse. Elle a été confiée aux juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire, qui conduisent déjà l'enquête Cahuzac.
Devant les députés, M. Condamin-Gerbier a refusé de dévoiler les noms des personnes pouvant figurer sur cette liste, estimant qu'elle était désormais du seul ressort de la justice, et que des "gens sont juges et parties à l'intérieur du Parlement".
Concernant l'affaire Cahuzac, le financier a estimé que la demande d'entraide du fisc français à la Suisse avait été mal formulée. La Suisse avait répondu fin janvier au fisc français que M. Cahuzac n'avait pas détenu d'avoirs chez UBS en Suisse entre 2006 et 2010.
L'hypothèse principale est que le compte de M. Cahuzac a été ouvert en 1992 dans l'agence UBS de Genève, puis les fonds auraient été transférés à la fin des années 1990 chez Reyl avant d'être déplacés en 2009 à Singapour, par Reyl, chez Julius Baer.
"Je pense que M. Cahuzac, sachant qu'il était entre les mains d'un établissement où son contact avait une relation extrêmement proche avec la direction et l'actionnaire, se sentait mieux protégé que s'il avait été le client lambda d'un très gros établissement où il ne soit qu'un client parmi tant d'autres", a-t-il dit en référence aux liens du conseiller patrimonial de M. Cahuzac, Hervé Dreyfus, avec la direction de Reyl.
"D'autre part, du fait du déménagement du compte de Suisse à Singapour, et comme semblait-il la France ne s'intéressait à l'époque qu'à l'élément suisse de ce dossier, et que ce compte était bien parti avant le 31 décembre 2009, je pense que M. Cahuzac a eu une certitude intellectuelle sur le fait qu'on ne trouverait rien", a ajouté M. Condamin-Gerbier.
Concernant l'attitude du fisc français, "il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir", a estimé le financier.
AFP