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La police anglaise a tenté de "salir" la famille d'une victime d'un crime raciste

La police anglaise a espionné la famille de Stephen Lawrence, un jeune noir poignardé en 1993. Cette opération avait pour but de discréditer les proches de la victime de ce crime raciste afin d'éviter une explosion sociale.

Un ancien agent infiltré de la police britannique a révélé au quotidien "The Guardian"qu’il avait enquêté sur les proches d’une victime d’un crime raciste pour tenter de "les salir". Peter Francis a reçu l’ordre de sa hiérarchie de trouver des éléments compromettants sur la famille et les amis de Stephen Lawrence, un adolescent noir poignardé en 1993 alors qu’il attendait le bus dans le sud de Londres.

Selon lui, la police a lancé cette opération pour discréditer la campagne d’opinion qui réclamait alors une enquête plus approfondie sur la mort du jeune homme et sur les motivations racistes de ces agresseurs. Un an après les émeutes de Los Angeles déclenchées après le passage à tabac de Rodney King par des policiers, les autorités auraient eu peur, d'après l'ex-agent, d’un déchaînement de violences. "Ils voulaient que la campagne s’arrête. Ils avaient l’impression que cela devenait énorme. Dès le début de l’opération, une pression constante était exercée sur moi pour que je trouve n’importe quoi qui puisse discréditer cette campagne", a-t-il expliqué au "Guardian".

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Pendant quatre ans, Peter Francis s’est ainsi fait passer pour un militant antiraciste afin d’obtenir des informations. Même s’il n’a jamais rencontré la famille de Stephen Lawrence, il a collecté les identités de toute personne entrant ou sortant de leur maison, repéré les tendances politiques de l'entourage de l'adolescent et enquêté sur les moindres détails de la vie de ses proches.

Il avoue aussi avoir eu pour mission de trouver des renseignements compromettants sur Duwayne Brooks, le meilleur ami de Stephen Lawrence, qui se trouvait avec lui le soir où il a été tué. Peter Francis a d'ailleurs réussi à le faire brièvement arrêté pour violences après avoir trouvé des extraits vidéos où on pouvait le voir lors d'une manifestation quelques jours après la mort de son ami.

Vingt ans après, les proches de la victime n’ont pas caché leur surprise à l’annonce de ces révélations. "Après tout ce que nous avons découvert au cours des années, cela surpasse tout. Rien ne peut justifier le fait d’avoir voulu discréditer notre famille", a ainsi réagi Doreen Lawrence, la mère de Stephen.

Cameron demande une enquête

Le témoignage de Peter Francis fait trembler jusqu'au sommet du gouvernement britannique. Le Premier ministre David Cameron a demandé lundi 24 juin l’ouverture d’une enquête sur les agissements de la police. "Le Premier ministre est très préoccupé par les informations indiquant que la police voulait salir la famille de Stephen Lawrence et souhaite que Scotland Yard ouvre immédiatement une enquête", a indiqué Downing Street dans un communiqué. En 1998 déjà, une première enquête publique avait conclu que le travail de la police dans l’affaire Lawrence avait été entaché de "racisme institutionnel".

Quant aux auteurs du meurtre de Stephen Lawrence, cinq suspects blancs avaient été arrêtés en 1993 puis finalement relâchés faute de preuve. En 2010, après la réouverture de l’enquête, deux de ces hommes, Gary Dobson et Davis Norris, ont été de nouveau interpellés pour être finalement condamnés à la perpétuité en janvier 2012. Alors que Gary Dobson avait toujours nié son implication, il a finalement reconnu sa culpabilité en mars 2013. Davis Norris clame, lui, toujours son innocence mais sa demande d'appel a été rejetée en mai dernier.