
Bernard Tapie est entendu en garde à vue par la brigade financière à Paris au sujet de l'arbitrage dont il a bénéficié face au Crédit Lyonnais après la vente d'Adidas. "J'en ai rien à foutre d'être convoqué", avait-t-il déclaré dans la matinée.
C'est à son tour de s'expliquer. Bernard Tapie est interrogé, lundi 24 juin, sous le régime de la garde à vue dans les locaux de la brigade financière, à Paris, au sujet de l'arbitrage qui, en 2008, lui a accordé 403 millions d'euros, intérêts compris, pour mettre fin au différend avec Le Crédit Lyonnais né de la vente d'Adidas en 1993.
L'homme d'affaires, qui se dit serein, risque une présentation devant les juges. La garde à vue peut durer jusqu'à 96 heures pour le chef d'"escroquerie en bande organisée". Un autre protagoniste du dossier était entendu séparément par les enquêteurs, a-t-on précisé de même source.
Les juges d'instruction, qui soupçonnent l’arbitrage en question d'avoir été biaisé à son avantage, veulent savoir comment l'homme d'affaires a plaidé sa cause à l'Élysée et au ministère de l'Économie et s'intéressent de près à ses liens avec les arbitres.
"J'en ai rien à foutre d'être convoqué", a-t-il déclaré, dans la matinée, sur Europe 1. "Qu’est-ce que vous croyez ? Des rendez-vous comme celui là, j’en ai eu sept avec Eva Joly. Résultat : six non lieu et une relaxe", affirme-t-il. Selon un de ses proches cité par le site Internet de la radio, Bernard Tapie serait convaincu que l’Elysée et le gouvernement sont derrière tous ses ennuis judiciaires, mais pour atteindre un autre homme. "Ils se servent de moi pour éliminer Sarkozy", aurait-il confié.
Dans cette affaire, troix personnes ont déjà été mises en examen pour "escroquerie en bande organisée" : Stéphane Richard, PDG d'Orange et ex-directeur de cabinet de l'ancienne ministre de l'Économie Christine Lagarde, Jean-François Rocchi, l'ancien patron du Consortium de réalisation, chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais et Pierre Estoup, l'un des juges arbitraux.
Selon le dossier publié la semaine dernière par "Le Monde", les enquêteurs disposent de suffisamment d'éléments pour démontrer l'escroquerie en bande organisée. L'État français compte d'ailleurs déposer un recours en révision.
Claude Guéant devrait aussi être entendu
Une réunion tenue à l'été 2007 à l’Élysée en présence de Stéphane Richard, le secrétaire général de l'Élysée Claude Guéant, et Jean-François Rocchi semble être une clé de l'affaire. Stéphane Richard aurait affirmé aux enquêteurs, lors de sa garde à vue, que Bernard Tapie était présent à cette réunion, destinée à mettre en place la procédure d'arbitrage plutôt que de s'en remettre à la justice. Interrogé par l'AFP, Bernard Tapie avait déclaré ne "pas se souvenir d'une réunion à cette date", qui ne pouvait selon lui "être une réunion de validation, mais d'information".
Christine Lagarde, qui fait l'objet d'une enquête de la Cour de justice de la République (CJR), a échappé à une mise en examen en étant placée sous statut de témoin assisté. Un statut provisoire qui peut à tout moment évoluer, y compris vers une mise en examen, note un connaisseur du dossier. Claude Guéant devrait être également entendu dans les jours prochains, d'après une source proche de l'enquête.
Selon "Le Monde", les enquêteurs soupçonnent maintenant Pierre Estoup d'être intervenu dès 1998 en faveur de Bernard Tapie dans une autre affaire, celle des comptes frauduleux de l'Olympique de Marseille. Le magistrat aurait tenté d'influencer le président du tribunal chargé du procès en appel de l'homme d'affaires. En première instance, Bernard Tapie avait été condamné à trois ans de prison, dont 18 mois ferme. En appel, sa condamnation avait été réduite à trois ans de prison avec sursis.
Avec dépêches