L’opération menée jeudi contre des groupes pétroliers par Anonymous ne sort en apparence pas de l’ordinaire. Pourtant, c’est l’une des premières fois qu’ils invoquent des raisons religieuses pour justifier leurs piratages.
Les hacktivistes du collectif Anonymous se sont attaqués, avec plus ou moins de succès jeudi 20 juin, aux principales compagnies pétrolières et aux sites de différents pays exportateurs d’or noir. Ils revendiquent 1000 sites piratés en plus d'avoir mis la main sur les identifiants de plus de 30 000 comptes de messageries électroniques d’employés de groupes pétroliers.
Pour l'opération nommée #OpPetrol, les pirates informatiques, qui affirment venir entre autres d’Afghanistan et de Mauritanie, ont pris pour cible la plupart des groupes pétroliers (Total, Eni, Aramco, Exxon, etc.) mais aussi, et surtout, les États pétroliers du Golfe. “La majorité des attaques que nous avons constatées ont visé des sites gouvernementaux et institutionnels du Qatar, de l’Arabie saoudite et du Koweït”, souligne Loïc Guézo, expert en sécurité informatique pour le groupe japonais de sécurité des réseaux TrendMicro.
Dimension inédite dans l'attaque : les pirates informatiques qui se revendiquent du célèbre collectif affirment avoir agi au nom de l'islam. Dans l’annonce de l’#OpPetrol, postée sur Internet le 10 mai, ils se définissent comme “les nouveaux musulmans”, des “djihadistes” en guerre contre ceux qui pervertissent l’esprit de l’islam. D’ordinaire, les Anonymous ne se présentent pas comme appartenant à tel ou tel groupe ethnique ou religieux mais se veulent des porte-parole de la majorité anonyme en lutte contre les intérêts particuliers des puissants.
Ils reprochent aux monarchies pétrolières du Golfe de “trahir les musulmans” en vendant leur précieux hydrocarbures à des ennemis de l’islam. Ces hacktivistes s’indignent aussi que le pétrole soit vendu en dollars et non pas dans la monnaie locale du pays exportateur, alors que le billet vert “n’est pas la monnaie des musulmans”.
Modus operandi traditionnel des Anonymous
Cette attaque à forte connotation religieuse ne signifie pas pour autant que les Anonymous sont devenus un groupe dominé par des activistes musulmans. “C’est un collectif sans hiérarchie ni vraie structure et tout le monde peut s’en revendiquer”, rappelle Loïc Guézo. D'ailleurs, derrière les motivations religieuses, les techniques employées sont les mêmes que pour la plupart des opérations d'Anonymous. "Les méthodes, essentiellement des attaques par déni de service en utilisant des botnets [des réseaux d’ordinateurs contrôlés à distance, NDLR], correspondent au modus operandi habituel des Anonymous”, confirme cet expert.
Reste que la bannière d’Anonymous est de plus en plus souvent invoquée par des cyber-activistes originaires de pays musulmans, mais d’ordinaire pour des raisons politiques plutôt que religieuses. Anonymous a ainsi été très actif lors des Printemps arabes pour perturber le fonctionnement des sites des régimes tunisien et égyptien. L’#OpIsraël qui visait à “effacer” l’État hébreu de la Toile en “signe de soutien avec le peuple palestinien” avait mobilisé bon nombre de hackers algériens, tunisiens ou encore égyptiens. La Tunisie compte même une “filiale” du collectif baptisé Anonymous-Tunisie qui s’en est pris, en avril 2013, au Qatar, accusé de vouloir imposer sa loi dans le pays.