
Au lendemain de l'annonce de discussions directes entre les États-Unis et les Taliban, Hamid Karzaï, mécontent de se voir exclu de ces pourparlers, a annoncé son intention de rompre les négociations avec les Américains.
Le gouvernement afghan a suspendu mercredi ses négociations d'accord bilatéral de sécurité avec Washington pour marquer son mécontentement au lendemain de l'annonce de prochaines discussions directes entre les Américains et les rebelles talibans.
Quelques heures plus tôt, au nord-est de Kaboul, les talibans ont tué quatre soldats américains en attaquant la base militaire américaine de Bagram, montrant que le conflit afghan se poursuit sur le terrain malgré les annonces de la veille qui ont fait naître des espoirs de futures négociations de paix.
Mardi, les talibans et les Américains avaient officiellement annoncé une prochaine reprise de leurs contacts en vue de discussions de paix, après l'ouverture dans la journée d'un bureau de représentation taliban à Doha, capitale de l'émirat du Qatar, un événement historique après plus de onze ans de guerre.
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Washington, qui dirige la force internationale de l'Otan en Afghanistan (Isaf), alliée du gouvernement de Kaboul face aux rebelles, a aussitôt annoncé qu'il enverrait prochainement des émissaires à Doha.
Mais ces annonces n'ont pas été du goût du président afghan Hamid Karzaï, avec lequel les talibans refusent de discuter car ils considèrent son gouvernement pro-occidental comme illégitime, et qui redoute d'être marginalisé par des discussions directes entre Washington et les rebelles.
Mercredi matin, le porte-parole de M. Karzaï a annoncé que ce dernier suspendait ses négociations d'accord bilatéral de sécurité en cours avec Washington, pour marquer son mécontentement.
"Il y a une contradiction entre ce que le gouvernement américain dit et ce qu'il fait en ce qui concerne les discussions de paix", a expliqué à l'AFP ce porte-parole, Aimal Faizi.
'Le président (Karzaï) est mécontent du nom" utilisé pour désigner le bureau politique afghan, à savoir "bureau politique de l'émirat islamique d'Afghanistan", a-t-il précisé.
"Nous nous opposons à cette appellation d'+émirat islamique d'Afghanistan+, pour la simple raison qu'une telle entité n'existe pas" et les "Américains étaient parfaitement au courant de la position du président" Karzaï, a poursuivi M. Faizi.
"L'émirat émirat islamique d'Afghanistan" était le nom donné par les talibans à leur régime lorsqu'ils étaient au pouvoir à Kaboul, entre 1996 et 2001, et ils continuent à appeler leur mouvement ainsi depuis.
La suspension des négociations de l'accord bilatéral américano-afghan, qui doit notamment définir les modalités de la présence américaine en Afghanistan après la fin de la mission de combat de l'Otan fin 2014, a été décidée à l'issue d'une "réunion exceptionnelle" entre le président afghan, ses conseillers et son équipe chargée de la sécurité nationale, a précisé M. Faizi.
Les espoirs de paix nés des annonces de mardi avaient déjà été quelque peu douchés dans la nuit par l'attaque, revendiquée par les talibans, de la base militaire américaine de Bagram, qui a tué quatre soldats américains, un bilan confirmé par un responsable américain à Washington, qui a évoqué, sous couvert d'anonymat, des tirs de roquettes ou de mortiers.
Un porte-parole taliban au Qatar, Mohammad Sohail Shaheen, a confirmé que les insurgés n'avaient pas l'intention d'arrêter leurs attaques en dépit des futurs contacts diplomatiques. "Il n'y a pas de cessez-le-feu (avec les Etats-Unis). Ils nous attaquent et nous les attaquons", a-t-il déclaré sur la chaîne Al-Jazeera.
Un responsable américain l'a lui-même souligné mardi en reconnaissant que l'amorce du dialogue entre talibans et Washington marquait le "début d'un parcours très difficile". Selon lui, "les États-Unis auront une rencontre officielle, la première depuis des années, avec les talibans dans quelques jours à Doha".
Les talibans avaient eu des contacts début 2012 avec les Américains, mais ils ont toujours refusé jusqu'ici de participer à des négociations de paix tant qu'il resterait des soldats étrangers "envahisseurs" en Afghanistan. Mais ils s'étaient dits prêts à avoir un bureau politique hors du pays pour faciliter des pourparlers de paix. Doha s'est imposée et des représentants talibans s'y sont installés.
Un autre porte-parole du bureau taliban à Doha, Mohammed Naïm, a confirmé des contacts à venir avec les Etats-Unis. "La question des dirigeants talibans détenus à Guantanamo "sera parmi les principaux dossiers à discuter en vue d'un règlement", a-t-il précisé. Les talibans réclament notamment aux Américains la libération immédiate de cinq de leur cadres qui y sont emprisonnés.
Le président Karzaï avait annoncé de son côté mardi qu'il enverrait au Qatar des émissaires pour "entamer dès que possible des discussions". "Rien (n'est prévu) pour le moment, mais ce sera selon les circonstances", a prudemment en retour un porte-parole taliban.
Depuis le sommet du G8 en Irlande du Nord, les présidents américain et français, Barack Obama et François Hollande, ont dit appuyer d'éventuels pourparlers de paix entre Afghans.
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AFP