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Convoquée par le tribunal de Ben Arous, la journaliste Hind Meddeb fuit la Tunisie

Interpellés en marge du procès du rappeur Weld El 15, le 13 juin à Ben Arous, six rappeurs et la journaliste franco-tunisienne Hind Meddeb étaient convoqués par la justice ce lundi matin. Hind Meddeb a pris la décision de rentrer à Paris.

"Hier, j’ai quitté mon pays, car je n’ai plus confiance dans la Tunisie d’aujourd’hui". C’est ainsi que la journaliste franco-tunisienne Hind Meddeb a expliqué sur Facebook sa décision de ne pas se présenter à la convocation du tribunal de Ben Arous, dans la banlieue de Tunis, ce lundi 17 juin. Elle a été interpelée quelques jours plus tôt à la sortie du procès du rappeur Weld El 15, alors qu'elle exprimait son mécontentement à l'annonce du verdict. Selon les recommandations du chef de la police, elle est poursuivie pour acte de rébellion et outrage à un fonctionnaire dans l’exercice dans ses fonctions, précise-t-elle dans une interview sur le plateau de FRANCE 24.

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Convoquée par le tribunal de Ben Arous, la journaliste Hind Meddeb fuit la Tunisie

L’avocat Me Ghazi Mrabet a confirmé au correspondant de FRANCE 24, Safwene Grira, que Hind Meddeb avait fui la Tunisie. "Elle a eu peur pour son intégrité physique", explique-t-il. "Sa décision risque de compliquer son cas, car elle est en état de fuite vis-à-vis des autorités tunisiennes."

Hind Meddeb explique sa décision dans une longue lettre publiée sur Facebook qui retrace les conditions de son interpellation et de sa mise en détention préventive. Jeudi dernier, après la condamnation du rappeur Weld El 15 à deux ans de prison pour "outrage à fonctionnaire", des heurts ont éclaté devant le tribunal de Ben Arous. "Je n’ai pas entendu le verdict, le juge avait parlé à voix basse, j’ai donc demandé autour de moi. Lorsque plusieurs personnes m’ont répété 'deux ans ferme', j’ai été sous le choc. J’ai alors exprimé avec d’autres mon indignation. Nous avons aussitôt été violemment bousculés par les policiers très nombreux dans la salle d’audience. Ils m’ont saisie par le bras et m’ont poussée violemment vers la sortie. C’est là que j’ai manifesté ma colère en disant : ‘Maintenant je comprends mieux le sens de la chanson pour laquelle Weld El 15 vient d’être condamné’", écrit Hind Meddeb.

"Tu vas payer ton soutien à Weld El 15 !"

"Les policiers qui m’ont empoignée m’ont hurlé : 'Puisque tu soutiens le rappeur Weld El 15, tu vas le rejoindre en prison.' Ils m’ont descendue dans une cellule qui jouxtait celle dans laquelle ils ont enfermé mon ami Alaa Eddine Yaacoubi, alias Weld El 15". La police lui affirme alors qu'elle encourt deux ans de prison pour outrage à agent et à magistrat. "Ils ont ajouté que je serai confrontée au même juge qui se vengerait en me condamnant. ‘Ce n’est pas parce que tu es journaliste ou française qu’on ne va pas te condamner ! Tu vas payer ton soutien à Weld El 15 !’", rapporte la journaliste.

Hind Meddeb finit par sortir de prison après avoir signé un procès verbal écrit en arabe classique – dont elle ne comprend pas une ligne, ne parlant que l’arabe dialectal tunisien – "en désespoir de cause", en "ignorant l’essentiel", et sans en avoir obtenu une copie.

Elle conclut : "Etant donné les vices de procédure et l’absence d’information sur les chefs d’inculpation qui étaient retenus contre moi, vu les dernières décisions de la justice tunisienne, indulgente avec les salafistes, féroce avec les artistes, incarcérant un rappeur pour une chanson, laissant courir ceux qui saccagent les ambassades ou qui appellent au meurtre allant jusqu’à tuer les opposants (Chokri Belaïd), j’ai décidé de ne pas me présenter à l’audience du 17 juin et de continuer à partir de Paris ma lutte pour les libertés".

Arrêtés en même temps que Hind Meddeb pour des faits similaires, six rappeurs, dont Mr Moustafa, Aymen et Mohammed, se sont rendus au tribunal de Ben Arous, ce lundi matin. Quatre d'entre eux ont été acquittés, deux autres artistes ainsi que Hind Meddeb sont appelés à comparaître devant le tribunal, à une date ultérieure. Les charges qui pèsent contre eux ne sont pas encore connues, mais selon les recommandations du chef de la police, ils sont poursuivis pour acte de rebellion et outrage à un fonctionnaire dans l’exercice dans ses fonctions.

Tags: Tunisie, Justice,