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"Roger Federer ne finira pas dans le top 3 cette saison"

Roger Federer, 31 ans, prépare actuellement à Halle en Allemagne le tournoi de Wimbledon, Grand Chelem dont il est le tenant du titre. Gros plan sur le Suisse, numéro 3 mondial, avec Rémi Capber, co-auteur du livre "Roger, mon amour."

Actuellement en Allemagne, Roger Federer dispute le tournoi sur gazon de Halle. Une compétition qui lui sert de préparation en vue de Wimbledon, un tournoi dont il est septuple vainqueur et actuel tenant du titre.

À Paris, le tournoi de Roland-Garros ne s’était pas très bien passé pour Federer, sèchement éliminé en quart de finale par Tsonga et passé déjà tout proche de la sortie en huitième de finale face à Simon.

La pression est donc forte sur le Suisse, d’autant qu’il n'a toujours pas remporté le moindre titre en 2013, une situation inhabituelle pour l’ex numéro 1 mondial qui espère donc débloquer son compteur à Halle, histoire d’être en confiance avant d’aborder Wimbledon le 24 juin. FRANCE 24 a interviewé Rémi Capber, co-auteur du livre "Roger, mon amour", pour parler du joueur.

D’où vient cette idée d’un ouvrage à la gloire de Roger Federer ?

Rémi Capber : On a essayé de traiter le sujet en sortant de la simple biographie. C’est donc un objet littéraire et visuel. On est parti du principe que Federer avant d’être un sportif est une personne d’exception. Les termes qui reviennent pour décrire l’amour des fans pour Federer, c’est : "artiste, génie." On a donc décidé de traiter le sujet Federer sous l’angle de la rencontre amoureuse. Federer et ses fans, c’est l’histoire d’un coup de foudre. Vous voyez Federer jouer et vous en tombez amoureux.

Comment expliquez-vous une telle fascination pour le Suisse ?

R.C: On a déterminé huit visages de Federer, ce sont les huit chapitres du livre. Federer est une personnalité très complexe et tout à fait paradoxale. Physiquement il ne dégage pas grand-chose, pourtant sur le plan athlétique il est assez exceptionnel. Nadal le dit lui-même : "Il a un corps fait pour le tennis". On a l’impression qu’il joue sans effort, mais dans le même temps il peut frapper des coups droits avec une violence inouïe.

Avait-il des prédispositions pour devenir un tel athlète et une telle icône ?

R.C: Il faisait parti des meilleurs juniors, mais aucune personne de son entourage ne pouvait penser qu’il aurait ce succès-là. Sur le plan du caractère, c’était une "tête de mule". Il ne supportait pas l’idée d’échec. Après une défaite, il pouvait aller se cacher sous une chaise d’arbitre pendant 3 heures. Ce comportement extrême pouvait laisser imaginer qu’il aurait une trajectoire particulière, mais il fallait déjà qu’il arrive à se concentrer et à se calmer sur le court. Il y est parvenu, mais rien ne laissait imaginer qu’il y parviendrait.

Comment a-t-il fait alors pour devenir un tel joueur ?

R.C: Il y a la rencontre avec Mirka [sa femme, NDLR] qui l’a sorti d’une forme d’égocentrisme dans laquelle il était auparavant. C’était un garçon qui ne s’intéressait qu’à lui-même, ce qui ne l’empêchait pas d’être très gentil et très agréable. Il y a la rencontre avec Peter Carter et Peter Ludgren, deux entraîneurs qui l’ont fait progressé. Après il y a le décès de Peter Carter qui est vrai choc pour lui. À partir de ce moment-là, il était en mission dira son compatriote Marc Rosset.

Il a aussi une capacité assez extraordinaire de savoir s’entourer, notamment de Pierre Paganini, son préparateur physique. Au cours de sa carrière, il n’a quasiment jamais été blessé. C’est une grande force. Les grands champions d‘aujourd’hui sont ceux qui ont des clans très forts autour d’eux.

Mais à côté de cette réussite sportive, il y a aussi celle extra-sportive...

R.C: Federer parle, plaisante, il est détendu. Il a une image de star internationale avec l’éloignement qui va avec, mais il a la capacité de s’adresser à chacun d’entre ses fans avec une simplicité et une disponibilité frappante. Il communique en cinq langues et ses conférences de presse sont toujours des bons moments.

Dans votre ouvrage, il y a un chapitre dédié au "rival" Rafael Nadal. A-t-il dépassé le maître ?

R.C: Je ne crois pas. Ce sont deux personnalités d’exception. Mais en terme de popularité, de résultats, il n’y aucune comparaison possible. Federer a une dimension supplémentaire que Nadal.

Après, c’est vrai que Nadal le domine dans leurs confrontations directes, car il lui pose des problèmes qu’il n’a pas su résoudre. Cela a été une frustration incroyable pour Federer, notamment la finale perdue face à "Rafa" à Wimbledon en 2008. Cette frustration, il a fallu la gérer et notamment apprendre à perdre. Il a réussi à le faire notamment grâce à sa famille, à sa paternité.

Ces défaites face à Nadal ont augmenté sa cote de popularité. Il n‘était plus imbattable. Cala a contribué à renforcer l’amour que pouvait lui porter ses fans.

Peut-il encore remporter des tournois du Grand Chelem ?

R.C: On a déjà eu des exemples avec Agassi et Sampras qui ont été capables de remporter des Grand Chelem à un âge avancé alors qu’on les estimait sur le déclin. L’an dernier, quand Federer gagne Wimbledon, c’est une belle surprise. Il aura donc encore cette opportunité d’ici la fin de sa carrière. Il n’en gagnera certainement pas quatre, mais peut être un ou deux.

Wimbledon est forcément le plus accessible pour lui. Roland-Garros en étant l’exact inverse. Federer a un attachement particulier pour ce tournoi. Il est fasciné par l’historie du tennis et les lieux légendaires. À Wimbledon, chaque parcelle du lieu respire l’histoire. C’est une surface qui convient mieux à son jeu. Physiquement, c’est plus économe.

Qu’est-ce qui le fait continuer ?

Avant tout l’amour du jeu. Ce jeu-là, il ne peut pas s’en passer. Avec l’idée peut être de gagner la médaille d’or aux JO. C’est un objectif important. C’est beaucoup plus important que de remporter la Coupe Davis par exemple. Dans son esprit, avec l’orgueil énorme qu’il a, je pense que c’est son dernier objectif.

Mais il ne finira pas dans le top 3 cette année. Nadal est bien parti pour finir numéro 1, Djokovic ne va pas lâcher et Murray est très frais physiquement. Alors est-ce qu’il aura la capacité mentale de se motiver pour aller jusqu’aux JO de 2016 ?

En fonction de la tournure des événements, on se posera toujours la question de savoir s’il aurait mieux fait de ne pas prendre sa retraite après son titre à Wimbledon en 2012 pour partir au sommet.

De son côté, Mirka aimerait qu’il arrête le tennis le plus tôt possible. Elle lui a déjà reproché de ne pas passer assez de temps avec sa famille.

Vous parlez de son orgueil : Federer a un ego surdimensionné…

R.C: Effectivement, il a un ego assez monstrueux. C’est l’ego du champion. Il a un orgueil très important, cela fait partie de ce que l’on pourrait appeler sa part d’ombre. Il donne cette impression de platitude, d’être un peu lisse notamment en match alors que l’on sait pertinemment que s’il était aussi bouillant jeune, ce n’est pas pour rien. C’était un "sale gosse." C’est la même chose avec l’ego.

Quelqu’un pourra-t-il un jour le dépasser ?

R.C: Il ne faut jamais dire jamais. Quand Sampras a remporté son quatorzième Grand Chelem, on disait qu’il ne serait jamais battu… Donc on verra dans 50 ans, mais sur le plan du jeu ce sera très difficile de l’égaler au regard de son physique extraordinaire. Quand vous avez un corps et une biomécanique comme lui, c’est quasimment impossible à égaler. Nadal pourra peut-être l’égaler en terme de Grand Chelem (17, NDLR), mais je pense qu’il est tranquille pour un bon bout de temps.