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Un journaliste de FRANCE 24 menacé par Pékin pour un reportage sur le Tibet

FRANCE 24 a refusé de déprogrammer un documentaire tourné clandestinement au Tibet par Cyril Payen malgré les pressions des autorités chinoises. Le journaliste, basé à Bangkok, est menacé par Pékin et supporte "difficilement" la situation.

Diffusé le 30 mai, le reportage "Sept jours au Tibet" réalisé par Cyril Payen, le correspondant de FRANCE 24 à Bangkok, a provoqué l’ire des autorités chinoises. Quelques jours après sa diffusion sur la chaîne, des personnels de l’ambassade de Chine à Paris se sont rendus dans les locaux de FRANCE 24 pour tenter de faire déprogrammer le reportage.

"La direction n’a en rien cédé aux tentatives d’intimidation, maintenant le sujet sur nos antennes et sur les plateformes multimédias", explique Marc Saikali, le directeur des rédactions de FRANCE 24, dans un communiqué envoyé aux journalistes de la chaîne. "La direction a alerté les plus hautes instances de l’État, ainsi que les ONG spécialisées dans les droits de l’Homme en général, et des journalistes en particulier", précise-t-il.

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REPORTAGE : "Sept jours au Tibet"
Un journaliste de FRANCE 24 menacé par Pékin pour un reportage sur le Tibet

À Bangkok, Cyril Payen est activement recherché par l’ambassade de Chine qui le somme de se rendre dans ses locaux pour s’expliquer sur les raisons qui l’ont poussé à "tricher" pour obtenir un visa. Le grand reporter s’est en effet rendu à titre touristique dans la région, profitant d’un relâchement du contrôle des entrées pour se rendre au Tibet. Il a tourné l'intégralité de son sujet clandestinement. Depuis les graves émeutes pro-tibétaines de 2008, la Chine a interdit l’accès aux journalistes, ne laissant entrer les étrangers qu’au compte-gouttes.

"Je dors une heure par nuit"

"Je suis rentré à Bangkok le 4 juin, et à partir de cette date, tout s’est accéléré. Une diplomate chinoise m’a laissé un message sur mon téléphone et a clairement joué la carte de l’intimidation", explique Cyril Payen. "Elle m’a demandé de me rendre à l’ambassade pour m’expliquer sur les raisons des ‘mensonges’ que j’ai colporté dans mon reportage. Elle a fini par me menacer : ‘Si vous ne vous rendez pas à l’ambassade avant le 11 juin, il faudra que vous en tiriez toutes les conséquences'."

Depuis 24 heures, le journaliste n’a plus de nouvelles des autorités chinoises. Mais il craint leur "contre-attaque". "Je fais tout pour rendre publique cette affaire, c’est une sorte de garantie pour moi. Tout le monde m’a conseillé de ne surtout pas me rendre à l’ambassade chinoise, que c’était dangereux. Le Quai d’Orsay et FRANCE 24 suivent de très près cette affaire. Mais, ce n’est pas facile en ce moment, je dors une heure par nuit, c’est vraiment difficilement vivable tout ça…"

L’association Reporters sans frontières s’indigne dans un communiqué publié le 11 juin des menaces émises par les autorités chinoises. "Ces procédés inacceptables s’apparentent aux méthodes de la pègre plus qu’à celles de fonctionnaires de haut rang. Qu’une ambassade exprime son désaccord envers un reportage est concevable. Que des diplomates tentent par l’intimidation de modifier un contenu éditorial, fustigent un journaliste et le convoquent avec l’intention affichée de l’interroger, dépasse largement les limites tolérables", peut-on y lire.

Dans son documentaire, Cyril Payen dénonce sans détour la répression dont est victime la population tibétaine sous le joug chinois. Son constat est sans appel : le "génocide culturel" que dénonçait le dalaï-lama en 2008 est toujours en marche.