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Dans un entretien accordé au quotidien "Le Figaro", le président tchadien Idriss Déby s’inquiète du développement de camps d’entraînement djihadistes en Libye, et des risques de contagion au Tchad. Analyse.

Le président tchadien Idriss Déby alerte sur la situation politique en Libye, où les djihadistes seraient libres de leurs mouvements, selon lui, et les risques de contagion terroriste dans la région. "Le Mali a été le premier pays touché par les problèmes libyens, mais, il ne faut pas se leurrer, nous, les pays du Sahel, nous allons tous être touchés. Le Mali et le Niger hier, demain cela va être le Tchad. Et aucun de nos pays ne peut s'en sortir seul face à cette armada", affirme Déby au cours d’une interview accordée au quotidien français "Le Figaro", publiée vendredi soir.

En Libye, des manifestants attaquent un QG d'ex-rebelles à Benghazi (7 morts)

Au moins 7 personnes ont été tuées et 30 autres blessées, samedi 8 juin à Benghazi (est de la Libye), dans des affrontements entre une brigade d'ex-rebelles et des manifestants "anti-milices". Selon un journaliste de l'AFP sur place, des dizaines de manifestants, dont certains armés, tentaient de déloger la brigade "Bouclier de Libye" de sa caserne, provoquant un affrontement entre les deux groupes.

"Les djihadistes sont en mesure de refaire ce qu'ils ont fait au Mali. Peut-être pas de la même manière, ils vont certainement changer de stratégie. Ils ont des camps d'entraînement dans le Djebel Akhdar [près des côtes, à l’est de la libye, NDLR], et des brigades qui se constituent à Benghazi, Tripoli, Sebha [au sud de Tripoli, NDLR] au vu et au su de tout le monde. La situation évolue de la façon la plus négative possible pour la Libye, mais aussi pour nous", s’inquiète Idriss Déby.

Tensions entre le Tchad et la Libye

Le Tchad a une frontière de plus de 1000 kilomètres avec la Libye, au milieu du Sahara. Depuis l’essor de la rébellion libyenne qui a mené à la chute de Mouammar Kadhafi, en 2011, N’Djamena a cherché à maîtriser ce qui se passait chez son voisin. À plusieurs reprises, Déby a accusé Tripoli de protéger des factions rebelles tchadiennes qui menaceraient N’Djamena, ce que réfutent les autorités libyennes.

Dans ce contexte, le président tchadien agite la menace djihadiste terroriste qui gronderait en Libye et réclame l’attention internationale : "La guerre au Mali vient de Libye, elle se reconstitue en Libye et c'est l'affaire de toute la communauté internationale. Car la liaison peut être vite faite entre Boko Haram au Nigeria et les groupes dans le nord du Niger. Cela n'est pas rassurant et nous ne sommes pas préparés pour ce genre de situation. Le terrorisme peut frapper quand il veut, même au Tchad."

Le président nigérien Mahamadou Issoufou, dont le pays a été touché par un attentat à Agadez le 23 mai, avait confirmé que des attaques contre le sol tchadien étaient fomentées depuis la Libye, dans une interview à RFI, la semaine passée.

Arrestations au Tchad contre une "conspiration"

Fort de son intervention militaire au Mali contre les djihadistes, le Tchad cherche à asseoir son poids dans la région. Certains analystes perçoivent dans la posture d’Idriss Déby l’ambition d’occuper le vide politique laissé par la mort de Mouammar Kadhafi, acteur autrefois incontournable de la région.

Déby est d’ailleurs accusé de profiter de son aura internationale acquise ces derniers mois pour étouffer la démocratie et les droits de l’Homme dans son propre pays. Des députés et des journalistes ont été récemment emprisonnés au Tchad, ce qui a alerté des ONG telles que Human Rights Watch. Paris, qui a été critiqué pour son silence à l’égard de ces arrestations, a assuré qu’il "n’y a pas de dérogation, d’indulgence en fonction de ce qu’a été à un moment notre solidarité dans un combat qui devait être mené. Les droits de l’Homme ne sont pas à éclipse", a affirmé le chef de l’État français François Hollande dans un entretien sur FRANCE 24, RFI et TV5 Monde, la semaine dernière.

Dans l’interview au "Figaro", Idriss Déby évoque, à propos des personnes incarcérées, une "minorité" qui chercherait à "déstabiliser le Tchad". "Avant on savait qui soutenait le désordre au Tchad. C'était Kadhafi. Là je n'ai pas compris cette conspiration qui n'était pas un coup d'État, mais plutôt une tentative d'organiser un printemps arabe".