
correspondante au Caire, Egypte – Valérie Fayolle vous propose une émission spéciale consacrée au harcèlement sexuel en Égypte. Avant un débat avec nos invités, vous verrez le reportage de notre correspondante au Caire qui a rencontré une femme égyptienne violée place Tahrir.
Flâner sur la corniche du Nil, se promener dans le centre-ville du Caire, aller faire ses courses, prendre le bus... Difficile pour une femme de se déplacer seule dans la capitale égyptienne sans être l'objet de regards insistants, de remarques indécentes voir d'attouchements. Qu'elles soient voilées ou non, adolescentes ou mère de familles, le harcèlement sexuel empoisonne la vie quotidienne des Égyptiennes depuis des dizaines d'années.
Selon un sondage publié au début de l’année 2013 par une commission de l'ONU, 99,3 % des femmes interrogées ont reconnu avoir été victimes de harcèlement, sous la forme d'attouchements dans la majorité des cas.
Le piège de la place Tahrir
Ce phénomène m'avait marqué lors de mon premier séjour en Égypte en 2008. Lors de mon retour dans le pays en tant que correspondante pour FRANCE 24, en février 2011, je me suis vite rendu compte que ce fléau n'avait pas disparu. Il a même pris des proportions alarmantes, notamment sur la place Tahrir, épicentre de la révolution.
Depuis le début du soulèvement populaire en 2011, des centaines de milliers de femmes s'y sont rassemblées pour manifester, devenant rapidement des proies pour les harceleurs, encouragés par le vide sécuritaire. De nombreuses agressions s'y sont déroulées : des anonymes et des journalistes, des Égyptiennes et des étrangères. J'ai moi-même été prise à parti par la foule à la suite d'une intervention télévisée en octobre 2012, je m'en suis sortie de justesse grâce à l'aide de mon collègue Ashraf Khalil, le correspondant de la chaîne anglophone de FRANCE 24.
Malheureusement, le scénario est classique et de nombreuses femmes sont restées prisonnières de leurs agresseurs. Des activistes dénoncent des attaques "orchestrées", pour dissuader les femmes de manifester. Le pic a été atteint le 25 janvier 2013, jour anniversaire du second anniversaire de la révolution : au moins 20 femmes ont été agressées sexuellement sur la place Tahrir.
Une femme se décide à parler
Un triste record qui a décidé Yasmine el-Baramawy à témoigner. Elle a été violée le 23 novembre 2012, en marge d'affrontements contre le projet de Constitution rédigé par une majorité d'islamistes. Son calvaire a duré plus d'une heure.
En début d'année, elle a osé briser les tabous en racontant son drame lors d'un talk-show à la télévision égyptienne. Depuis, elle mène un combat presque quotidien pour faire prendre conscience à la société égyptienne que parmi tous ses maux, le harcèlement sexuel, parfois encouragé, trop souvent accepté, n’est pas le moindre. Comme beaucoup, elle met en cause la passivité des autorités.
Je l'ai rencontrée en février 2012, lors d'une manifestation anti-harcèlement au Caire. J'ai décidé de recueillir son témoignage et de le compléter par d'autres rencontres avec différents acteurs de la société civile pour tenter de comprendre les origines de ce mal, longtemps ignoré par la société égyptienne.
Ce reportage de 26 minutes est suivi d’un débat ainsi que de la diffusion du documentaire "Aliaa, la révolutionnaire nue" de Sid Ahmed Hammouche et Patrick Vallélian, réalisé par Pierre Toury (co-production LCP-Assemblée nationale - PREMIÈRES LIGNES : Luc Hermann, Paul Moreira - ARTE France). Ce documentaire (vidéos ci-dessous) raconte le parcours de Aliaa qui après avoir posé nue sur son blog pour dénoncer l’hypocrisie ambiante autour du corps de la femme dans le monde arabe s’est réfugiée en Suède pour fuir les menaces qu’elle subissait en Égypte.