À neuf mois des élections municipales, la conquête de Paris a déjà commencé entre la candidate UMP Nathalie Kosciusko-Morizet et la candidate socialiste Anne Hidalgo. Décryptage de ce duel entre "l'héritière" et l'"aventurière".
Les hostilités ont commencé : au lendemain de son investiture, Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), la candidate UMP à la mairie de Paris, a effectué, mardi 4 juin, son premier déplacement dans le XVIIe arrondissement de la capitale pour aborder le thème phare du logement, point faible du bilan de Bertrand Delanoë. Le même jour, la candidate socialiste Anne Hidalgo a convoqué la presse dans un café du IXe pour présenter son équipe de campagne déjà en ordre de bataille. L'occasion pour elle de dégainer au passage : "Je n'ai peur de personne, y compris de NKM".
Pourtant, selon le dernier sondage en date effectué par BVA - il remonte au 30 mars -, la dauphine de Bertrand Delanoë, 53 ans, ne devancerait la candidate UMP que d'un point au premier tour (34 % contre 33 %) du scrutin de mars 2014, et de deux au second (51 %-49 %). À neuf mois du scrutin, la bataille n'est donc pas gagnée d'avance pour la première adjointe à la mairie de Paris qui assure avoir repoussé un ministère pour se lancer dans son "combat pour Paris" dès septembre 2012.
Pour gagner, Anne Hidalgo, investie par plus de 98 % des militants, surfe sur son plus grand atout, à savoir le bilan de Bertrand Delanoë, aux côtés duquel elle a travaillé durant plus de douze années. Taxée "d'héritière" par sa rivale, Anne Hidalgo rétorque : "Il y a des héritages plus ou moins faciles, je conçois que NKM ait du mal avec l'héritage de la droite parisienne, mais pour ma part, j'assume ce que nous avons fait avec Bertrand Delanoë pour transformer la ville".
Selon une étude d'opinion conduite par BVA en avril 2013, l'actuel maire de Paris bénéficie de 60 % d'opinions favorables auprès des Parisiens, qui se disent très satisfaits de son bilan concernant la culture et les loisirs (77 %) et les transports en commun (62 %). Anne Hidalgo devra aussi se démarquer de son mentor pour apporter sa propre touche, nuance sur FRANCE 24 Barizea Khiari, sénatrice socialiste de Paris : "Elle devrait y arriver grâce à sa proximité avec les Parisiens".
NKM a "Paris dans la peau"
Elle devra aussi habilement se méfier de la dimension nationale de la bataille qui s'amorce en raison de l'impopularité du gouvernement. Mais Anne Hidalgo ne s'avoue pas inquiète pour autant. "Que la situation nationale pèse sur l'ensemble des municipales, sans aucun doute, mais faites-moi confiance, ma personnalité est là aussi, je ne suis pas sortie de nulle part, j'ai une histoire politique, une histoire personnelle, une histoire avec Paris que j'ai envie de prolonger", a ajouté cette conseillère régionale d'Ile-de-France qui a ancré sa carrière dans le local après avoir fait ses débuts en politique en 1997 sous Lionel Jospin - conseillère au cabinet de Martine Aubry, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité (1997-1998), puis conseillère au cabinet de Nicole Péry, secrétaire d'État aux Droits des femmes et à la Formation professionnelle (1998-2000), puis chargée de mission au cabinet de Marylise Lebranchu, ministre de la Justice (2000-2002).
Cette Andalouse naturalisée française à l'âge de 14 ans qui dit avoir "Paris dans la peau" n'hésite pas à dénoncer le parachutage de sa rivale. "Paris n'a pas besoin d'une aventurière", assène-t-elle. L'ex-maire de Longjumeau a rompu "son contrat de confiance avec ses électeurs en quittant ses fonctions avant la fin de son mandat, commente sur FRANCE 24 Barizea Khiari, sénatrice PS de Paris. C'est dire le peu de fidélité qu'elle leur accorde".
Une accusation que l'ex-porte-parole de campagne de Nicolas Sarkozy balaie de la main depuis sa victoire aux primaires (58,16 % des voix). "NKM sort renforcée et plus légitime que jamais après les primaires UMP qui n'ont pas été faciles, note Hélène Pilichowski, éditorialiste politique, qui estime qu'il sera toutefois très difficile pour NKM, élue avec quelque 11 600 voix de militants, de faire basculer la capitale à droite. "Depuis 2001, le Parti socialiste a consolidé sa domination en sièges au Conseil de Paris".
NKM, "la meilleure pour perdre"
La ministre de l'Écologie et du développement sous Sarkozy, qui ne cesse d’appeler au "rassemblement", devra inévitablement faire jouer ses réseaux pour s'imposer, poursuit Hélène Pilichowski. Si la maire du VIIe arrondissement de Paris, Rachida Dati, et le président de l'UMP, Jean-François Copé, lui ont apporté leur soutien, la frange la plus droitière de l'UMP continue de lui reprocher ses prises de position contre son chef de file, Patrick Buisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. Selon lui, elle est "la meilleure pour perdre" car sa personnalité est "trop clivante, trop bling-bling pour ce qui reste des classes populaires à Paris".
NKM pourrait donc chercher ses soutiens du côté des francs-maçons, comme l'affirme cette semaine "L'Express". D'après l'hebdomadaire, Elle a rendez-vous le 11 juin avec les frères du Grand-Orient, confrérie pourtant classée à gauche.
Délicate question des alliances
En attendant le débat des idées à l'automne avec les autres candidats comme Marielle de Sarnez (MoDem) et Wallerand de Saint-Just (FN), NKM devra d'abord négocier son atterrissage dans un arrondissement parisien - le XIIe a été évoqué par Rachida Dati mardi soir -, et désigner les têtes de liste dans les vingt que compte la capitale. Elle a annoncé qu'elle dirait "avant le 14 juillet" où elle compte se présenter.
La question des alliances avec les partenaires du PS sera aussi délicate pour Anne Hidalgo. Le Parti communiste, allié dès le premier tour au PS en 2001 et 2008, pourrait bien faire cavalier seul en 2014. Elle devra aussi trancher la question des têtes de liste dans les XVIIIe, XIIe et Ve, où Daniel Vaillant, Michèle Blumenthal et Lyne Cohen-Solal pourraient ne pas se représenter.